Une version de ce commentaire est parue dans Le Huffington Post Quebec

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AP Photo/Nati Harnik

Il nous faut de vraies solutions pour contrer l’obésité et le diabète de type 2

 

Deux des journalistes américains parmi les plus réputés sur les questions de l’alimentation ont récemment prétendu que les régimes DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension ou méthode alimentaire pour freiner l’hypertension) et méditerranéen n’étaient pas les meilleurs pour notre santé. Attention, les preuves disent le contraire.

Dans leur récent article du LA Times Op-Ed, Gary Taubes, auteur de The Case Against Sugar, et Nina Teicholz, auteure du bestseller The Big Fat Surprise, accusent le US News and le World Report de présenter le statu quo intenable en matière de nutrition dans leur couverture de janvier portant sur les « meilleurs régimes alimentaires » mondiaux.

Les régimes DASH et méditerranéen favorisent la consommation de légumes, de fruits et de grains entiers, et ces deux régimes recommandent des apports plus faibles en viande rouge et en gras saturés. Dans le domaine des sciences de la nutrition humaine, ils comptent parmi les plus respectés, et c’est la raison pour laquelle ils se sont retrouvés au sommet de la liste du U.S. News et du World Report, fondé sur des critères stricts et publiés.

Paradoxalement, ces journalistes affirment haut et fort qu’il n’y a pas de preuves suffisantes qui démontrent que les deux régimes réduisent la mortalité globale, et ils rejettent d’emblée les études sur ces régimes en prétextant qu’elles sont erronées. De surcroît, ils prétendent que les conseils alimentaires dans le monde entier, qui ont largement favorisé des régimes alimentaires semblables aux régimes DASH ou méditerranéen, sont responsables de l’épidémie actuelle d’obésité et de sa comorbidité, le diabète de type 2.

Que proposent-ils à leur place?

Teicholz et Taubes proposent une alimentation faible en hydrates de carbone (incluant le sucre) et riche en matières grasses comme les régimes Atkins, paléo, cétogène ou South Beach, tous ces régimes s’étant retrouvés dans le bas du classement aux U.S. News. Ils expliquent comment ces régimes riches en bon gras et faibles en glucides (LCHF) ont été bien étudiés et qu’ils apportent une solution à la crise actuelle de l’obésité à l’échelle mondiale.

Leur histoire fait belle figure, mais la réalité est tout autre. C’est ce qui s’appelle voir une paille dans l’œil du voisin, et ne pas voir la poutre dans le sien.

Malheureusement, il n’existe pas de preuve formelle associée à une réduction du taux global de morbidité des régimes LCHF, et il n’en existe pas plus pour les régimes DASH et méditerranéen, mais contrairement aux autres, ces derniers ont au moins été soumis à des essais contrôlés randomisés supérieurs (n> 500 participants).

Pour la perte de poids, suivre un régime avec bilan énergétique négatif (manger moins que ce que l’on brûle) fonctionne, quel que soit le style de régime. Les marqueurs de santé, notamment la glycémie et les lipides sanguins, ont tendance à s’améliorer pendant la perte de poids, quel que soit le régime alimentaire, et aussi longtemps que sont maintenus la diminution de poids et le régime alimentaire.

En fait, tout le concept de classement des régimes pour la perte de poids fait distraction. Un mode de vie sans tabagisme, avec une activité physique régulière et visant une perte de poids chez les personnes obèses (ou prévenant la prise de poids chez les autres) diminue considérablement le risque de maladie chronique, même chez les personnes ayant une prédisposition génétique.

Teicholz et Taubes affirment également que le régime LCHF est une façon de renverser le diabète de type 2 et ils citent comme preuve une étude en cours. Bien que les régimes LCHF peuvent en effet renverser le diabète de type 2, il s’agit probablement d’une conséquence de la perte de poids. Ceci est soutenu par l’essai clinique DiRECT qui a récemment démontré la rémission du diabète de type 2 sans suivre de régime LCHF.

Nos schémas alimentaires sur le plan des macronutriments (glucides, protéines et graisses) sont plus susceptibles d’être des effets que des facteurs de la crise actuelle de l’obésité.

Teicholz et Taubes énumèrent les causes du problème d’obésité, mais les cernent mal. Selon eux, les gens suivent des recommandations diététiques (narrateur : ce qui n’est pas le cas). Oui, les Américains ont « considérablement augmenté leur apport en céréales, en légumes et en fruits et ils consomment moins de lait entier, de beurre, de viande et d’œufs », comme le prétendent Teicholz et Taubes, mais ce qu’ils ont omis de dire, c’est que ces mêmes Américains ont augmenté leur apport énergétique total, dans l’ensemble.

Nous consommons plus de calories que dans les années 1970. Des facteurs tels que l’urbanisation, la baisse de l’activité physique au travail et à la maison et la diminution des coûts des aliments (particulièrement ceux qui sont riches en calories et pauvres en nutriments) ont tous contribué à accroître la disponibilité de l’énergie alimentaire et à réduire sa dépense. Ce sont les vrais moteurs de la crise d’obésité que nous connaissons, pas simplement l’apport en glucides (ou en fait en sucre).

Avec une vision a posteriori, les récits et les croyances semblent être monnaie courante. En sciences de la nutrition humaine, il semble y avoir une histoire pour chaque régime, et pour chaque régime, une armée de croyants.

Teicholz et Taubes veulent vous faire croire que les régimes LCHF ne sont pas très bien classés parce que le panel d’experts du U.S. News s’est peut-être « retranché dans ses opinions en étant soutenu par les industries qui bénéficient de ces régimes et motivés par des programmes autres que nutritionnels, tels que l’activisme des droits des animaux… ». Ceci est une affirmation outrancière formulée à un panel de vingt-cinq scientifiques de renoms et de divers horizons. De plus, ces accusations de partialité sont pour le moins paradoxales, si l’on tient compte du fait que ces auteurs gagnent une partie de leurs revenus à promouvoir des régimes à faible teneur en glucides.

Avec la crise mondiale de l’obésité et du diabète, les contributions de la part des industries ou des personnes qui vendent des livres ne sont pas des plus salutaires. Ce qu’il faut, ce sont des interventions efficaces à grande échelle de la santé publique pour s’attaquer aux causes profondes de l’épidémie d’obésité. Il est temps que les discussions sur l’alimentation reposent d’abord et avant tout sur les preuves.

 

Dylan MacKay, PhD est professeur adjoint au département des sciences de la santé communautaire et clinicien spécialiste des essais au George and Fay Yee Centre for Healthcare Innovation de l’Université du Manitoba, à Winnipeg. Il agit également comme expert-conseil auprès du site EvidenceNetwork.ca.


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