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La solution réside dans la réduction de la pauvreté

Comment expliquer le rendement médiocre des élèves du Manitoba dans le dernier rapport national sur l’éducation?Le dernier rapport publié dans le cadre du Programme pancanadien d’évaluation (PPCE) fournira matière à réflexion au corps enseignant du Manitoba. En effet, notre province affiche un rendement médiocre si comparé aux résultats obtenus dans l’ensemble du pays.

Axé principalement sur les sciences, ce troisième rapport analyse également les compétences des élèves de la 8e année en mathématiques et en lecture. Les scores obtenus dans chaque matière sont transposés sur une échelle commune gradée de 0 à 1000. La moyenne pancanadienne est fixée à 500.

En moyenne, les élèves manitobains de 8e année ont obtenu 465 points en sciences, soit 35 points sous la moyenne. En sciences, les élèves anglophones obtiennent des résultats légèrement plus élevés que les élèves francophones : 465 points contre 453. L’évaluation n’a relevé aucune différence à ce chapitre entre les garçons et les filles. En lecture, le résultat moyen s’établit à 469 points, contre 508 pour l’ensemble du Canada. Les élèves francophones et anglophones obtiennent un résultat comparable; toutefois, les filles obtiennent des résultats significativement plus élevés que les garçons : 480 points contre 459. Enfin, les résultats en mathématiques sont inférieurs de 36 points par rapport (soit 471 points) à la moyenne canadienne, qui s’établit à 507 points. L’évaluation ne rapporte aucune différence significative entre les sexes ni entre les systèmes scolaires francophone et anglophone.

Nombreux seront ceux qui pointeront du doigt le corps enseignant et réclameront des changements dans le système d’éducation. Ils se demanderont pourquoi les mesures mises en place ces dernières années ont été inefficaces. Or, les recherches menées par le Centre manitobain de recherches en matière de santé (MCHP) indiquent qu’il faut chercher ailleurs pour expliquer pourquoi les résultats du Manitoba sont si faibles. En effet, les solutions qui permettront d’améliorer le rendement des élèves manitobains et les perspectives d’avenir de notre jeunesse résident à l’extérieur du système d’éducation.

Nous savons que les élèves manitobains n’affichent pas tous le même résultat au test du PPCE. Pourtant, en sciences, 86 % ont obtenu les résultats attendus ou un rendement supérieur à la moyenne. Doit on blâmer les enseignants pour ces 14 % qui obtiennent des résultats inférieurs aux attentes?

Nos propres recherches révèlent qu’il existe certainement des différences marquées entre les élèves manitobains sur le plan du rendement scolaire, mais que cet écart tend à être associé à des facteurs autres que l’éducation, comme la pauvreté et le dysfonctionnement familial, qui se reflètent sur l’environnement dans lequel les enfants sont élevés.

Au cours des dernières années, les statistiques se sont nettement améliorées en ce qui a trait au diplôme d’études secondaires, considéré comme un indice de réussite scolaire. Dans les groupes où le taux d’obtention était déjà faible, toutefois, ils n’ont pas progressé. Ces jeunes sont souvent issus de familles aux prises avec des problèmes socio-économiques associés en particulier à la pauvreté.

Le Manitoba continue d’afficher l’un des taux de pauvreté infantile les plus élevés au pays. D’après nos recherches, des facteurs reconnus pour influencer la réussite scolaire comme la santé prénatale (par. ex. le tabagisme pendant la grossesse) et l’état de santé à la naissance (par. ex. les naissances prématurées) et à l’âge préscolaire, ne jouent qu’un rôle mineur si on les compare aux conséquences de la pauvreté. Une étude du MCHP révèle que les inégalités de revenus se sont accentuées au Manitoba depuis 25 ans, ce qui signifie qu’un plus grand nombre d’enfants et de familles sont maintenant désavantagés par rapport à leurs pairs.

En d’autres mots, bien que les stratégies axées sur la formation des enseignants et les compétences de base puissent avoir un effet sur le rendement de certains élèves, l’amélioration des résultats obtenus dans le cadre du PPCE ne passe pas forcément par la salle de classe, mais bien plutôt par les conditions de vie des enfants pauvres et de leurs proches.

La tâche de réduire les disparités socio-économiques peut sembler insurmontable, mais les programmes axés sur cet objectif produisent des résultats encourageants qui confirment leur efficacité. Les études récentes publiées par les chercheurs du MCHP montrent que les jeunes qui vivent dans des logements sociaux obtiennent de meilleurs résultats scolaires lorsque leur immeuble est situé dans un quartier aisé plutôt que dans un quartier pauvre de Winnipeg. Par ailleurs, une expérience menée à Dauphin a montré qu’un revenu annuel garanti pouvait produire des résultats positifs sur le plan de la santé et de l’éducation, y compris un taux plus élevé de réussite au secondaire.

Par conséquent, les résultats obtenus dans l’évaluation du PPCE devraient nous inciter à préconiser des mesures qui auraient un effet réel sur la condition des enfants au Manitoba : augmenter le revenu du 20 % des ménages au bas de l’échelle sociale; multiplier le nombre de logements sociaux ailleurs qu’au centre ville; et accroître le soutien offert aux parents et aux familles qui en ont besoin.

Enfin, plutôt que de leur jeter la pierre, n’oublions pas de remercier et de récompenser ces membres du corps enseignant qui affrontent au quotidien les défis propres aux écoles du centre ville.

Marni Brownell est experte-conseil auprès d’EvidenceNetwork.ca, chercheuse principale au Centre manitobain de politiques en matière de santé (MCHP) et professeure associée au département des sciences de la santé communautaire de la faculté de médecine à l’Université du Manitoba.

Nathan Nickel est chercheur au MCHP et professeur adjoint au département des sciences de la santé communautaire du même établissement.

octobre 2014


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