Une version de ce commentaire est parue dans Le Droit at Le Huffington Post Quebec

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AP Photo/Darko Vojinovic

Le trouble obsessionnel compulsif post-partum est souvent mal diagnostiqué et mal compris, mais il est traitable

 

En janvier, une nouvelle mère en Californie était au cœur d’un message viral dans Facebook qui décrivait le bilan de santé post-partum de son bébé de quatre mois. Après qu’elle eut partagé ses réflexions avec ses prestataires de soins de santé, ces derniers ont fait un signalement à la police et elle a été escortée à l’hôpital, admise de force à l’unité psychiatrique puis traitée comme une criminelle. Pendant le bilan post-partum, elle avait révélé que bien qu’elle ne s’infligerait aucune blessure à elle-même ni à son bébé, elle avait des pensées violentes et souhaitait avoir des médicaments et un suivi psychologique. Cette mère présentait un trouble obsessionnel compulsif post-partum (TOC). Elle avait besoin de soutien et de conseils, pas d’une hospitalisation forcée ni d’un traumatisme inutile.

Si vous pensez qu’au Canada on est à l’abri de ce genre de choses, détrompez-vous. Respectivement psychologue et infirmière spécialisée en santé mentale de la mère depuis trente ans, nous avons vu de nombreux cas comme celui-ci.

Au Canada, nous avons fait d’énormes progrès au cours de la dernière décennie pour sensibiliser le public aux graves problèmes de dépression post-partum qui touchent 10 à 20 % des mères  et entrainent tristesse et désintérêt pour les activités habituellement agréables pendant une période d’une à deux semaines, la première année après l’accouchement. La stigmatisation autour de la dépression post-partum a diminué et, en règle générale, les mères trouvent du soutien et des services dans leurs communautés, ainsi que des ressources en ligne pour aider à comprendre le phénomène.

Là où nous n’avons marqué aucun progrès, c’est dans la compréhension et le traitement du TOC post-partum.

Le trouble obsessionnel compulsif post-partum touche 3 à 5 % des nouvelles mères. Il s’agit d’un trouble anxieux qui se manifeste par des pensées obsessionnelles et incontrôlées et des images de blessure à l’enfant. Et pas n’importe quelle blessure; celle que la mère lui inflige elle-même.

Voici le récit d’une mère canadienne :

« Je me souviens de la première fois où c’est arrivé. J’ai cru que je pouvais être capable de blesser mon bébé. J’étais debout en haut de l’escalier. Ma première pensée était de garder ma fille en sécurité. Puis je me suis dit : et si je l’échappais accidentellement? C’était comme si je perdais la tête. J’ai même eu cette pensée : « Et si je l’échappais intentionnellement dans l’escalier … Et si je la jetais dans l’escalier… »

Mon cœur a commencé à battre la chamade, j’ai ressenti un picotement dans mes bras. J’avais envie de vomir. Je pouvais à peine respirer. À partir de ce moment, j’ai perdu le contrôle de mes pensées. Je ne pouvais plus me faire confiance. Je voyais toute chose comme une menace ou une arme qui pouvait être utilisée pour blesser mon enfant, et j’étais terrifiée à l’idée que ce soit moi qui lui inflige une souffrance, parce que c’était complètement insensé et contraire aux sentiments d’amour que j’ai pour ma fille. »

Sans traitement approprié, les mères atteintes de TOC post-partum ont des pensées envahissantes qui défilent à toute allure, si indicibles et si incompréhensibles que beaucoup vont même penser au suicide pour ne pas blesser leur bébé.

Les mères atteintes de TOC post-partum vivent un cauchemar en état d’éveil et ont désespérément besoin d’aide, mais leur terreur et leur honte silencieuse face aux autres les empêchent d’aller chercher les soins dont elles ont besoin. Elles ont peur que les autres les jugent comme inaptes et qu’on leur retire la garde de leur enfant.

Elles ont besoin de soutien, pas de jugement. Le public doit savoir que le TOC post-partum est très certainement traitable avec un soutien approprié, des médicaments et un suivi psychologique. Pourtant, c’est le trouble de l’humeur post-partum le moins compris et le plus souvent mal diagnostiqué.

Les mères et leurs proches doivent avoir confiance que si elles sollicitent de l’aide, qu’elles ont le courage de partager leurs pensées troublantes, elles seront soutenues et non persécutées. Pour cela, il faut sensibiliser les prestataires de soins.

Ces professionnels doivent être en mesure de reconnaître les signes élémentaires pour discerner un TOC d’une psychose post-partum (les femmes atteintes de TOC post-partum savent que leurs pensées sont irrationnelles et non désirées, tandis que les femmes atteintes de psychose post-partum perdent contact avec la réalité et ignorent qu’elles ont des pensées illogiques ou des délires).

L’organisme Postpartum Support International offre un nouveau programme de formation pour les professionnels de la santé. Il a pour but de former les prestataires de soin sur le dépistage, l’évaluation, le diagnostic et le traitement des mères présentant des symptômes d’humeur et des troubles anxieux, tels que ceux associés au TOC post-partum.

Grâce aux efforts de sensibilisation et de prévention, nous espérons entendre plus d’histoires sur les femmes qui trouvent un fournisseur de soins de santé qui comprend ce qu’elles traversent et qui offre le genre de soutien dont la mère a besoin.

 

Gina Wong est psychologue agréée et professeure agrégée au Centre d’études supérieures en psychologie appliquée de l’Université Athabasca. Elle travaille actuellement à une stratégie nationale sur la santé mentale des mères.

Nicole Letourneau est conseillère experte auprès du site EvidenceNetwork.ca et professeure aux facultés des sciences infirmières et de médecine. Elle est également titulaire de la Alberta Children’s Hospital Foundation Chair in Parent-Infant Mental Health de l’Université de Calgary.


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