Une version de ce commentaire est parue dans Options Politique et Le Huffington Post Québec

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Durant la période des vacances, beaucoup de gens ont probablement eu avec leurs proches des conversations sur des sujets importants. Il serait étonnant toutefois qu’ils aient discuté des dispositions à prendre si jamais ils ne pouvaient plus un jour s’exprimer ou prendre de décisions. C’est ce qu’on appelle la planification préalable des soins. Même si les experts nous conseillent d’y voir bien avant le troisième âge, trop peu de Canadiens s’en donnent la peine avant qu’il ne soit trop tard.

Selon une étude sur le sujet, 70 % des personnes au dernier stade de la vie n’ont plus la capacité de prendre des décisions. Or les résultats d’un sondage récent montrent que seulement 52 % des adultes au Canada ont discuté d’un plan de soins de fin de vie avec leur entourage et 10 % avec leurs prestataires de soins.

Pourquoi est-il si important d’en parler? Des études ont montré que les personnes qui ont abordé le sujet avec leur médecin et leur entourage sont plus susceptibles que les autres d’être satisfaites des soins qu’elles reçoivent. De plus, leurs proches risquent moins de souffrir de dépression ou de se demander si elles ont pris les bonnes décisions.

La planification préalable des soins est une démarche de réflexion et de communication sur nos convictions et nos volontés en matière de soins médicaux et personnels. Elle nécessite une franche discussion avec nos proches et nos amis, en particulier avec la personne qu’on a choisie comme mandataire. Elle permet d’informer notre entourage des mesures à prendre si jamais il arrivait qu’on ne soit plus capable d’en décider.

Notre mandataire agira en notre nom si on devient incapable de le faire. D’où l’importance de désigner une personne en qui on a confiance, qui saura prendre des décisions conformes à nos volontés. Comment s’y prendre pour la choisir?

Il est essentiel de désigner une personne capable de communiquer efficacement avec une équipe de soignants. Saura-t-elle faire des choix difficiles dans des moments éprouvants? Est-elle joignable et disposée à prendre des décisions en notre nom? Les prescriptions juridiques sur le choix d’un ou d’une mandataire varient d’une province à l’autre; dans certains cas, il faut obligatoirement remplir un formulaire.

Les proches de patients décédés à l’hôpital sont deux fois plus nombreux à affirmer, lorsque des dispositions ont été prises à l’avance, que les volontés du principal intéressé ont été respectées. De plus, on a constaté qu’ils étaient moins susceptibles de souffrir de dépression plusieurs mois après le décès.

Idéalement, la planification devrait avoir lieu avant qu’une personne ne soit admise à l’hôpital. Pourquoi? Parce que les recherches montrent qu’il est peu habituel pour les médecins, dans les établissements de santé au Canada, de s’entretenir avec l’entourage des objectifs en matière de soins et des volontés des patients gravement malades arrivés au terme de leur vie.

Avec l’aide de collègues, nous avons entrepris des recherches dans le but d’inciter un plus grand nombre de Canadiens à discuter de planification préalable des soins avec leur équipe de soignants et leurs familles, en particulier avec les prestataires de soins primaires. Financé par les gouvernements et des partenaires universitaires, notre projet de recherche (intitulé « Improving Advance Care Planning in General Practice », ou i-GAP) se déroule actuellement dans des cabinets de médecins en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario.

Les résultats préliminaires des questionnaires et des entrevues que nous avons menés avec des patients et des professionnels de la santé nous donnent déjà une idée des raisons pour lesquelles il est si difficile d’aborder la question d’un plan de soins de fin de vie.

Près de 60 % des Canadiens ont indiqué qu’ils aimeraient recevoir de l’information sur la planification préalable, mais selon des études précédentes, seulement 26 % des médecins de soins primaires sont à l’aise d’en discuter avec leurs patients. La plupart des médecins (près de 67 %) ont toutefois manifesté le désir de disposer de ressources et d’information pour le faire.

L’étude i-GAP tiendra compte de ces observations. Nous sommes en train d’évaluer et de faire circuler un certain nombre d’outils qui aideront les individus, les familles et les professionnels de la santé à s’entretenir de cette question essentielle. Parmi ces outils figure un manuel en ligne (myspeakupplan.ca) qui propose des ressources, des vidéos et des conseils pour inciter les familles à y réfléchir et à formuler leurs volontés. On peut y consigner ses convictions et ses objectifs et désigner un ou une mandataire, puis le télécharger afin de le transmettre aux personnes concernées. D’autres ressources s’adressant aux prestataires de soins primaires seront également mises au point.

Il serait peut-être grand temps que chacun d’entre nous se réserve un moment pour accomplir cette démarche.

Michelle Howard est professeur adjointe au département de médecine familiale à l’Université McMaster et chercheuse principale du projet iGAP, que subventionne le Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées, un réseau national à but non lucratif, dédié à l’amélioration de traitement et de soins médicaux pour les aînés fragilisés canadiens.  Elle est conseillère auprès du site EvidenceNetwork.ca.

Decembre 2015


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