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Par les temps qui courent, nous l’avons entendu dans plusieurs milieux : la viabilité budgétaire du système de soins de santé du Canada est menacée puisque les dépenses de santé augmentent plus rapidement que les recettes publiques.

La hausse des budgets de soins de santé est attribuable en grande partie à une utilisation accrue des technologies médicales, des médicaments et des ressources humaines en santé, comme en témoignent de récentes études (bien que l’augmentation et le vieillissement de la population produisent également certains effets, mais moins prononcés). De plus, les frais de déplacement entraînent un alourdissement du fardeau des maladies chroniques, lesquelles englobent des troubles tels que l’obésité, le diabète, l’hypertension, les maladies du cœur, les accidents vasculaires cérébraux, le cancer, les problèmes de santé mentale, les maladies musculaires et articulatoires, et autres.

La solution ne repose sur rien de moins qu’une transformation de notre système de soins de santé primaires au Canada. Nous devons offrir des services complets, intégrés et communautaires qui permettraient d’améliorer la santé de la population, de réduire les inégalités, de diminuer les dépenses de santé et de contribuer à la viabilité de notre système de santé financé par les deniers publics.

Une étape essentielle de cette transformation reposerait sur un travail coordonné à l’échelle canadienne en vue de mettre en place des indicateurs et des bases de données qui favoriseront la reddition de comptes et permettront d’enclencher les changements requis.

À vrai dire, nous savons déjà comment réduire le fardeau des maladies chroniques.

En très grande partie, les maladies chroniques sont causées par les conditions dans lesquelles nous grandissons, nous vivons, nous apprenons, nous jouons, nous travaillons et nous discutons entre nous et avec nos collectivités. Au nombre de celles-ci, mentionnons notre nourriture, notre activité physique, notre consommation d’alcool, de drogues et de tabac, nos conditions de travail, notre revenu, notre développement à la petite enfance, notre instruction, notre logement et l’environnement.

Quoique bon nombre de ces facteurs appartiennent aux domaines social, politique et économique à l’extérieur du système de soins de santé, celui-ci a encore beaucoup de travail à faire pour être en mesure de prévenir et de prendre en charge les maladies chroniques et pour réduire leurs effets sur la santé de la population et les dépenses en soins de santé.

Délaisser le vieux modèle de « gestion » des soins de santé

Le système de soins de santé a été conçu il y a longtemps, au moment où régnait une forte prévalence de maladies aiguës et infectieuses, à l’opposé de ce qui se passe dans notre modèle actuel où prédominent les maladies chroniques.

Présentement, le vieux modèle de gestion fournit un piètre service aux personnes atteintes d’une maladie chronique, surtout en présence de plusieurs maladies concomitantes. Pour les patients, le système de soins primaires existant se caractérise ainsi par un faible accès et des attentes prolongées, un attachement inexistant à un fournisseur de soins ainsi que par des consultations répétées, inutiles ou encore d’une durée limitée. Ce système est devenu inefficace et gaspille les ressources, ce qui explique l’insatisfaction du public et des professionnels de même que la hausse des dépenses de santé.

Quelques changements fondamentaux permettraient d’améliorer sensiblement la qualité des soins et de réduire les coûts des soins de santé.

Des organismes de soins primaires devraient servir les intérêts d’une population définie géographiquement et offrir des services complets, notamment la promotion de la santé, la protection sanitaire, la prévention et les soins cliniques grâce à la coordination d’équipes interprofessionnelles.

Ces équipes devraient être formées de professionnels de la santé publique, de représentants d’organismes communautaires et sociaux ainsi que de médecins de famille, d’infirmières, d’infirmières praticiennes, de pharmaciens et de bien d’autres groupes. Pour y parvenir, la meilleure façon consiste à favoriser la création de réseaux et à mettre en place des incitations financières correspondantes qui peuvent comprendre un modèle de paiement mixte.

Les systèmes de données électroniques, comme les dossiers de santé électroniques et les systèmes de données démographiques, ainsi que les programmes d’amélioration de la qualité permettraient également de réaliser de plus grandes économies en santé.

Enfin, nous avons besoin d’une structure de gouvernance qui accorde aux gens recevant des services le droit de s’exprimer sur les améliorations par rapport à la qualité des soins de santé et qui contraint les fournisseurs à rendre des comptes à ceux qui bénéficient de leurs services. Cette structure devait également faire la promotion d’une culture axée sur les relations positives entre les fournisseurs de soins, les patients et la collectivité.

Il est temps de définir des paramètres communs

Mais comment parvenir à une transformation d’une telle envergure?

Le gouvernement Harper a fait savoir que le Transfert canadien en matière de santé se poursuivra pour l’Accord de santé de 2014 (ce qui représente environ 30 milliards de dollars par année), avec une « clause d’indexation » de l’ordre de 6 % jusqu’en 2017 (qui sera quelque peu réduite après cela). Toutefois, comme dans les accords de santé des gouvernements précédents, il n’y a aucune mention de mesures directes obligeant les provinces à rendre des comptes au gouvernement fédéral.

Si aucune reddition des comptes n’est obligatoire, comment pouvons-nous nous assurer que nous ne raterons pas l’occasion de transformer notre système de santé?

Par l’entremise de la ministre Aglukkaq, le gouvernement Harper a proposé une solution : la définition de « paramètres communs ».

De tels indicateurs, lorsqu’ils sont validés par des données appropriées, permettraient de suivre la progression des changements fondamentaux qui sont nécessaires à la transformation de notre système de santé et donneraient les moyens aux sphères de compétences de faire des comparaisons sur les modifications apportées au système par rapport aux services et sur les résultats relativement à la santé et à la réduction des inégalités.

En d’autres mots, « ce qui est mesuré est aussi mené à terme ». Mais cela nécessitera des ressources et la collaboration entre les provinces.

À première vue, la définition des paramètres ne semble peut-être pas « attrayante », mais elle pourrait contribuer à améliorer la reddition de comptes, le rendement et la viabilité du système canadien de soins financés par des deniers publics.

 

John Millar agit comme expert-conseil à EvidenceNetwork.ca, une source d’information exhaustive et non partisane qui vise à aider les journalistes à couvrir les questions relatives aux politiques en matière de santé au Canada. Il est également professeur clinicien à l’École de santé publique et de santé des populations, à l’Université de la Colombie-Britannique.

mars 2012


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