Une version de ce commentaire est parue dans Le Huffington Post Quebec

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THE CANADIAN PRESS/John Woods

Le financement public d’un traitement complet contre la dépression est rentable

 

Pourrait-on en faire davantage pour prévenir le suicide au Canada? La réponse est oui.

L’accès à des interventions rapides et appropriées pour traiter la dépression, dont la pharmacothérapie et la psychothérapie, peut améliorer considérablement la santé et réduire le nombre de décès par suicide. Pourtant, notre système de santé financé par les deniers publics ne répond pas à ces besoins.

L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale révèle que près de 12 pour cent de la population adulte atteinte d’un trouble mental commun comme la dépression avait exprimé un besoin de consultation ou de traitement au cours de la dernière année, et un tiers de ces personnes (environ 3 pour cent de la population) avait un besoin non satisfait.En revanche, 10 pour cent des gens ont exprimé un besoin de thérapie par médicaments (seul ou avec psychothérapie) et pour une personne sur dix, ce besoin n’avait pas été comblé.

Autrement dit, la consultation et la thérapie représentent les plus grands besoin non satisfait pour le traitement de la dépression dans notre système de santé financé par l’État. Alors, pourquoi ne pas créer de mesures préventives pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale?

Il existe une croyance voulant que la couverture par l’État des traitements contre la dépression, serait trop coûteuse en raison de la forte demande. En fait, ce serait plutôt rentable. Dans une étude récemment publiée avec mes collègues, nous avons constaté que l’augmentation de l’accès aux services de psychologie et de psychothérapie financés par les fonds publics pour les Canadiens qui déclarent avoir des besoins en santé mentale non satisfaits permet non seulement d’économiser de l’argent, mais aussi d’améliorer leurqualité de vie.

Nous avons évalué les coûts et les avantages de la couverture des services psychologiques pour traiter la dépression au Canada dans le cadre de l’assurance-maladie. Notre étude était basée sur un modèle des coûts à vie (40 ans) associés à la dépression chronique. Nous avons constaté que pour chaque dollar investi, la société épargne deux dollars.

Comment le traitement de la dépression permet-il d’économiser de l’argent et de sauver des vies?

Les économies pour la société sont principalement attribuables à une diminution du nombre de jours pendant lesquels la personne souffre d’un état dépressif, ainsi qu’à une réduction de la durée d’un épisode de dépression. Les économies résultent du fait que la personne est plus productive au travail et dans sa communauté. Il existe également une diminution du risque d’hospitalisation et de comportements suicidaires.

Les résultats de notre étude font écho à ce qui a été constaté à l’échelle internationale.

En effet, une étude britannique a montré que le fait d’offrir des services de psychothérapie aux personnes qui n’étaient pas en traitement serait rentable dans un délai de deux à cinq ans. La province de l’Ontario a également évalué le rapport coût-efficacité d’un meilleur accès à la psychothérapie structurée, l’a jugé rentable et a recommandé de financer publiquement ces services offerts par des personnes autres que des médecins.

Le Québec, pour sa part, a investi 35 millions de dollars dans la psychothérapie pour traiter les maladies mentales, et a créé parallèlement un projet-pilote pour évaluer le programme afin d’améliorer et d’accroître l’accès. D’autres provinces, comme la Saskatchewan, investissent également dans l’amélioration de la psychothérapie structurée en ligne, comme la thérapie cognitivo-comportementale. En Ontario, le programme Bounce Back augmente également l’accès à la psychothérapie en ligne, soutenue par un médecin.

Alors, qu’en est-il de la situation au Canada? La bonne nouvelle est que le gouvernement fédéral a versé aux provinces et aux territoires 5 milliards de dollars sur 10 ans pour la santé mentale. Or, l’utilisation de ces sommes n’est pas encore complètement définie.

Or, cela ne suffit pas.

Nous devons également nous concentrer sur les soins communautaires à domicile pour les personnes souffrant de grave maladie mentale. Nous devons nous attarder aux problèmes de continuité des soins et de référence, ainsi que des longues listes d’attente et des obstacles socioéconomiques aux services de santé mentale pour les populations vulnérables. Et l’accès rapide à une psychothérapie devrait être possible dans tout le pays.

Il faut en faire davantage pour atténuer les souffrances et les pertes de vie associées à la dépression et aux autres troubles mentaux. Ce n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est aussi rentable.

 

Helen-Maria Vasiliadis est professeure au département des Sciences de la santé communautaire et à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Elle est chercheuse principale au Fonds de recherche du Québec en santé et elle collabore avec EvidenceNetwork.ca de l’Université de Winnipeg.

Octobre 2018


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