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Bien communiquer avec son médecin est bon pour la santé

Une version de ce commentaire est parue dans IRIS, Le Huffington Post Québec et Le Soleil

Bon nombre de gens considèrent les médecins comme des experts de la médecine en tant que « science ». En trente ans de métier comme omnipraticienne, j’ai appris que maîtriser l’« art » de la médecine est tout aussi important. Et que la relation thérapeutique empreinte de sollicitude que nous entretenons avec nos patients en constitue le fondement.

J’accompagne mes patients dans les épisodes marquants d’une vie – la naissance, la maladie et la mort – ainsi que dans des moments plus banals, lorsqu’ils se font du souci à propos de quelque chose, par exemple, ou veulent des conseils sur les mesures à prendre pour conserver une bonne santé. Avec les années, j’ai compris que le resserrement du lien avec les patients passe par une bonne conversation.

Lorsque j’accueille une personne dans mon cabinet, j’essaie de déterminer quelle est la source de ses inquiétudes et ce que je peux faire pour la rassurer. Le réconfort ne réside pas toujours dans la prescription d’un examen ou d’un traitement. En réalité, ce sont parfois des interventions inutiles, et elles peuvent même causer du tort.

Prenons par exemple les lignes directrices sur le test Pap, qui ont évolué avec le temps. On ne fait plus subir cet examen tous les ans comme autrefois, mais plutôt aux trois ans et à certains groupes de femmes uniquement. Un autre exemple est celui de l’électrocardiogramme (ECG). On considère désormais qu’il n’a aucune utilité comme examen de routine dans le cas des patients qui ne présentent pas de symptômes ou d’antécédents de maladie du cœur. En fait, il révèle parfois des anomalies courantes et bénignes qui provoquent inutilement des inquiétudes et conduisent à des tests et des traitements superflus.

J’encourage systématiquement mes patients à me consulter une fois par an afin que nous puissions nous entretenir ensemble des sujets qui les préoccupent.

Même lorsqu’une personne souffre d’un problème particulier, la meilleure solution ne réside pas toujours dans la prescription d’un examen. En médecine familiale, les maux de dos sont un motif fréquent de consultation. Nombreux sont ceux qui demandent une radiographie ou une IRM. Or de vastes études ont démontré que les patients qui ont subi un examen d’imagerie ne se portent pas mieux que les autres; de plus, ce dernier peut révéler des anomalies spinales sans aucun rapport avec la douleur dont ils se plaignent. Son résultat peut engendrer de l’anxiété et mener à d’autres examens ou interventions inutiles comme des injections ou même une opération.

La recherche d’une solution miracle est inhérente à la nature humaine, mais les faits démontrent parfois que ce n’est pas la meilleure voie à suivre.

Un autre bon exemple est celui de la surconsommation d’antibiotiques. Les médecins de famille reçoivent en consultation quantité de parents dont l’enfant souffre d’une douloureuse otite. La plupart de ces infections sont causées par un virus plutôt que par une bactérie. Même si les antibiotiques ne sont d’aucune utilité contre les virus, on en est arrivé à les prescrire par habitude, « juste au cas ». Cette approche n’aide pas nos patients. En fait, les analgésiques vendus dans le commerce sont beaucoup plus efficaces pour soulager ce genre de douleur chez l’enfant.

Le mauvais usage des antibiotiques nous fait du tort à tous et à toutes. Les études démontrent en effet qu’il contribue à la propagation de puissantes superbactéries qui résistent à cette classe de médicaments.

Lorsque les inconvénients d’un examen ou d’un traitement surpassent ses avantages, j’essaie de rassurer mes patients en ayant avec eux une bonne discussion.

Les preuves confirmant le pouvoir de la communication se multiplient. On découvre que la qualité des échanges entre médecin et patient a un effet positif sur la santé et le bien-être des premiers intéressés. Lorsqu’ils ont l’impression d’avoir bien communiqué avec leur médecin, les patients rapportent un meilleur degré de compréhension de leurs problèmes de santé et de leur plan de traitement.

Une bonne communication contribue également à faire en sorte que les patients et leurs proches sont heureux des soins qu’ils reçoivent.

Selon une étude menée par une équipe de chercheurs à Ottawa, les aides à la décision permettent de réduire les appréhensions et de rehausser la confiance des patients face aux choix difficiles. Elles sont utiles pour alimenter la discussion dans les cas où la marge d’incertitude est grande.

Dans une autre recherche menée aux États-Unis, on a interrogé des omnipraticiens sur les obstacles à la réduction du nombre d’interventions superflues dans leur propre pratique. Les répondants ont donné comme raison le manque de temps qui les empêche d’avoir de bons entretiens avec leurs patients pendant les consultations.

Néanmoins, les patients ont le droit de s’interroger sur leurs choix en matière de soins et de poser des questions essentielles qui alimenteront un échange avec leur médecin. C’est précisément ce que vise la campagne Choisir avec soin; elle propose des ressources pour favoriser le dialogue entre patients et médecins.

La prochaine fois que votre médecin vous proposera un examen, un traitement ou une intervention, posez-lui les questions suivantes :

  1. En ai-je vraiment besoin?
  2. Quels sont les côtés négatifs?
  3. Y a-t-il des options plus simples et sécuritaires?
  4. Que se passera-t-il si je ne fais rien?

Engager une bonne discussion ne devrait pas vous prendre trop de temps, car vous voudrez tous les deux profiter au maximum de la consultation. Ces questions constituent un bon point de départ.

 

La Dr Lynn Wilson est experte-conseil auprès du site EvidenceNetwork.ca, omnipraticienne au Women’s College Hospital et vice-doyenne des partenariats à la Faculté de médecine de l’Université de Toronto. Elle est coresponsable des soins primaires du programme Choisir avec soin.

 

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