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Aucune preuve solide ne confirme l’utilité du test de dépistage du cancer de la prostate

Movember est de retour, et avec lui une foule d’activités variées autour du thème du cancer de la prostate. Ce sera l’occasion pour les organismes de bienfaisance, le corps médical et les médias de nous abreuver de conseils sur l’importance du dépistage.

L’été dernier, on m’a invité à participer, aux côtés d’un éminent urologue de Vancouver, à un débat sur l’utilité du test de dépistage de l’antigène prostatique spécifique (« test de l’APS »), une analyse sanguine simple servant à déterminer si un homme risque de souffrir de cancer de la prostate. J’anticipais ce type d’invitation depuis quelque temps, car je venais de publier Seeking Sickness, un ouvrage sur le dépistage médical. J’étais impatient de voir si quelqu’un allait se manifester pour s’opposer publiquement à ce que j’affirme sur le test de l’APS, que je considère comme une mauvaise idée. Sans parler de mon goût pour le débat, acquis pendant mes études au Collège militaire, où nous sommes allés jusqu’à délibérer sur le port de la cape.

Après avoir analysé les recherches sur le test de l’APS, j’en suis venu à conclure qu’il ne sert à rien. Oui, il est vrai que le cancer de la prostate tue environ 3 % de la population masculine; à première vue, cela semble justifier une approche préconisant le « dépistage hâtif et fréquent » de cette maladie.

Or le grand problème avec le test de l’APS, c’est qu’il permet de déceler des cellules prostatiques cancéreuses chez la plupart des hommes qui atteignent un certain âge (je n’emploierai pas le mot « vieux »).

La transformation des cellules prostatiques n’est pas du tout un phénomène rare; elle survient aussi naturellement que les rides et les cheveux gris. Bien que nous souhaitons tous éviter de contracter la forme rare et rapidement fatale du cancer de la prostate, le test de l’APS ne décèle la plupart du temps que la forme à évolution lente de cette maladie, laquelle ne risquera jamais de nous causer du tort. Malgré tout, en cas de score « élevé », la propension à vouloir traiter les cellules cancéreuses est forte chez les médecins et les patients.

Gilbert Welch, médecin, auteur et expert en matière de dépistage du cancer, qualifie le test de l’APS d’« exemple parfait de surdiagnostic ». Il estime que près de deux millions d’Américains de sexe masculin ont subi un traitement inutile contre le cancer de la prostate, avec l’incontinence ou l’impuissance comme conséquence dans au moins 40 % des cas. Comme m’a dit un jour un médecin : « Le dépistage de l’APS ne vous permet pas de vivre plus longtemps, mais il vous donne l’impression d’allonger votre espérance de vie. »

Néanmoins, mes recherches sur le dépistage de l’APS m’indiquent qu’il se trouve encore de nombreux acteurs pour faire la promotion du test, en particulier des individus et des organisations dont on peut présumer qu’ils ont des intérêts en jeu ou beaucoup à perdre : notamment, certains urologues qui opèrent la prostate; les spécialistes de la radiothérapie; les sociétés pharmaceutiques qui fournissent les traitements; et les organismes de sensibilisation.

Aux États-Unis, le principal organisme de sensibilisation au cancer de la prostate reçoit du financement des groupes précités et même de la société Depends, le fabricant de couches pour adultes.

Bien sûr, les nombreuses personnes qui recueillent des fonds pour ces organismes le font en toute bonne foi, par compassion pour ce que les hommes atteints de cancer de la prostate subissent et par souci d’améliorer la qualité de vie de ces derniers. Il n’y a rien à redire à cela. Toutefois, il faudrait vérifier que notre organisme favori ne fait pas la promotion d’un test susceptible de causer plus de tort que de bien et qu’il transmet aux hommes une information objective avant de les inciter à s’y soumettre.

Mais revenons au débat auquel je faisais allusion, entre l’Urologue et moi. La discussion devait être enregistrée pour la télévision. Enfin, quelqu’un se disait prêt à monter dans l’arène avec un petit voyou comme moi!

Puis, j’appris que l’urologue s’était désisté. Apparemment, selon les organisateurs, celui‑ci ne voulait pas donner à un arriviste l’occasion de faire la promotion de son livre et de son message. Il a probablement raison : si les gens prenaient connaissance des études indépendantes sur le test de l’APS, ils se feraient probablement une idée bien différente de celle mise de l’avant par nombre d’urologues et d’organismes de sensibilisation.

Mon scepticisme à l’égard du dépistage de l’APS s’est avéré justifié : un peu plus tôt cette année, la United States Preventive Services Task Force (USPSTF), un comité indépendant et respecté, auteur d’analyses sur le dépistage qui sont des modèles du genre, a annoncé que les hommes en bonne santé ne devraient pas subir le test de l’APS, purement et simplement.

Il y a beaucoup d’argent à faire avec l’idée d’une maladie sournoise guettant les hommes; le test de l’APS est un exemple classique. Avant de proposer un test de dépistage à une personne en parfaite santé, on devrait trouver une réponse satisfaisante à la question suivante : et si le traitement était une solution pire que le statu quo?

Est-ce là le genre de question qui a effarouché mon adversaire? Ou peut-être s’est-il désisté après avoir appris que j’envisageais de porter une cape?

Alan Cassels est expert-conseil auprès d’EvidenceNetwork.ca et chercheur en politiques sur les médicaments à l’Université de Victoria. Il vient de publier Seeking Sickness: Medical Screening and the Misguided Hunt for Disease (Greystone, 2012). Il reste ouvert à la possibilité de débattre de l’utilité du test de l’APS avec tout urologue disposé à le faire.

novembre 2012


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