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Health care costsLes électeurs canadiens classent toujours la santé parmi leurs plus hautes priorités. Il n’était donc pas étonnant de voir cette question surgir au cours de la dernière campagne électorale fédérale. Toutefois, en promettant de renouveler l’entente décennale avec les provinces et les territoires sur le Transfert canadien en matière de santé, tous les chefs des principaux partis ont su éviter d’expliquer en détail ce qu’ils feraient pour réformer et revitaliser le système de santé. Le plus inquiétant par ailleurs est le fait que leur engagement à l’égard de cette entente a effacé toute motivation des chefs de s’asseoir avec le premier ministre pour donner une nouvelle direction aux soins de santé. Après tout, l’argent a été promis sans aucun engagement.

Cette situation est déplorable, car d’accord ou pas, le maintien du statu quo dans les soins de santé n’est pas une option viable. Nous devons choisir la voie de la réforme que nous voulons emprunter. Il y a bien eu quelques efforts positifs pour améliorer la qualité et la rapidité des services publics de soins de santé ciblés, mais ces mesures ont été trop marginales et sporadiques, et en définitive, insuffisantes pour vraiment changer la donne. Tandis que les gouvernements tant fédéral et provinciaux se sont offert le luxe de verser de l’argent dans les soins de santé au cours de la dernière décennie sans enregistrer de déficit, cela ne sera plus possible dans les années à venir  la dernière récession et l’inflation à la hausse garantissent pratiquement de plus fortes restrictions dans le secteur public. Pendant ce temps, les coûts associés au maintien du statu quo ne font que gonfler, les soins de santé accaparant entre 40 et 50 pour cent du programme de dépenses des provinces.

Il existe deux approches possibles, bien qu’opposées, dans la réforme de la santé. Certains avancent que le régime d’assurance-maladie universel est un échec et que nous devons le repenser de A à Z, tandis que d’autres allèguent qu’en nous fondant sur les réalisations du système de soins de santé, nous pouvons passer à la deuxième phase.

L’opposition au système de soin actuel se présente comme suit : étant donné l’incidence du vieillissement de la population, il est impossible de continuer à dépenser les milliards de dollars des contribuables pour les soins de santé. Il est temps d’avoir un regard lucide sur cette question et de faire en sorte que les Canadiens assument une plus grande responsabilité personnelle à l’égard de la santé en retirant des services et en imposant des tickets modérateurs et une participation aux coûts. De cette façon, il serait possible de diminuer les pressions sur les budgets publics en finançant davantage les soins de santé par le privé. De plus, comme les soins de santé relèvent de la responsabilité des provinces, le gouvernement fédéral devrait réduire ou éliminer les transferts fédéraux aux provinces et leur permettre d’explorer un fonctionnement axé sur le financement privé  même si cela signifie abroger la Loi canadienne sur la santé. En effet, cette perspective de la réforme des soins de santé suppose que le problème repose sur le financement et propose comme solution le remplacement d’une réserve fondée sur l’imposition par un financement privé. Loin d’être visionnaire et orientée sur l’avenir, cette approche est un retour dans le passé, à l’époque qui a précédé la création d’un système universel de soins de santé.

Un demi-siècle auparavant, comme première étape essentielle pour assurer à tous les Canadiens un accès aux soins médicaux essentiels sur la base du besoin plutôt que du revenu, nous avons réformé le financement des services de santé. Cette transformation a produit de remarquables résultats. D’autres changements sont maintenant nécessaires pour améliorer la qualité et élargir la gamme des services pour la population canadienne. En conséquence, le choix le plus évident pour une réforme est de fournir des soins novateurs, adaptés et intégrés, mais de le faire de manière à préserver les avantages de l’accès universel aux soins de santé. Il existe de multiples façons d’encourager cette innovation, et aucune ne vient vraiment à l’encontre du financement public.

L’administration à payeur unique des services hospitaliers et médicaux est notre « atout en réserve » pour la compression des coûts administratifs. Les assurances privées sont beaucoup plus coûteuses et onéreuses sur le plan administratif, tant pour les patients que les fournisseurs. Les deux systèmes de soins de santé les plus coûteux dans le monde  celui des États-Unis et de la Suisse  sont fondés sur l’assurance maladie privée.

Le rôle du Fédéral demeure important. Les principes qui sous-tendent la Loi canadienne sur la santé et les transferts fédéraux assurent non seulement aux Canadiens un accès aux services de santé assurés en fonction de mêmes modalités, mais réduit les inégalités régionales grâce à un partage commun des impôts et favorise la mobilité grâce à la condition de transférabilité.

La dernière chose dont nous avons besoin est d’une autre commission sur les soins de santé. En fait, l’opposé est vrai. Il y a de cela une décennie, une pléthore de commissions et d’organismes consultatifs ont informé les gouvernements fédéral et provinciaux des diverses avenues partisanes. Leurs recommandations étaient assez divergentes quant à l’aspect prestation, mais tous s’entendaient sur la voie du financement : aucune n’a recommandé le remplacement de l’administration à payeur unique par une assurance maladie privée, et aucune ne défendait l’abolition de la Loi canadienne sur la santé.

Après de nombreuses consultations à divers échelons, la commission Romanow a conclu que la majorité des Canadiens continuaient de privilégier l’accès en fonction du besoin et non en fonction de la capacité à payer. Toutefois, le commissaire Roy J. Romanow a insisté auprès du gouvernement fédéral pour prévoir une rencontre entre les provinces et ensemble donner une direction sur les principales réformes de la santé pour assurer un meilleur rendement et sa viabilité à long terme. Bien qu’il était d’avis que l’argent provenant d’Ottawa était nécessaire après des années de sous-financement, il a précisé que l’argent devait être utilisé pour favoriser des changements en profondeur dans la gouvernance, la reddition des comptes et la prestation des services. En dépit de ses recommandations, l’ancien premier ministre Paul Martin a su éviter la conversation en versant une importante somme d’argent aux provinces en 2004  soit encore plus qu’il n’aurait fallu pour instaurer les transformations recommandées dans le rapport.

De récentes demandes pour une autre commission me rappellent les référendums sur la séparation, et en particulier, le désir de quelques personnes de les reproduire tant qu’ils n’ont pas la réponse souhaitée. En 1964, la Commission royale d’enquête sur les services de santé a produit un rapport contenant des recommandations pour un système de soins de santé public qui ont soulevé la désapprobation de plusieurs parties de l’establishment canadien, car elles n’avaient pas obtenu les réponses qu’elles souhaitaient entendre. Cependant, ces recommandations avaient la faveur d’une majorité de Canadiens, et ce rapport a finalement forcé le cabinet divisé du premier ministre de l’époque, Lester B. Pearson, à trancher.

Les dernières commissions ont fait leurs devoirs. Maintenant, il est temps que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux agissent, et ce, dans le respect des priorités et des valeurs défendues par la majorité des Canadiens, plutôt que des intérêts de quelques-uns.

Gregory Marchildon est titulaire de la Chaire de recherche du Canada de l’Université de Regina et a été directeur administratif de la commission Romanow. Il agit également comme expert-conseil pour le EvidenceNetwork.ca, une ressource en ligne complète et non-partisane conçue pour aider les journalistes à couvrir les questions de politiques sur la santé au Canada.

mai 2011


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