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Une version de ce commentaire est parue dans Le Huffington Post Québec   

Les médecins canadiens examinent le lien qui existe entre les changements climatiques, la chaleur extrême et la santé des patients

En juin dernier, les médecins canadiens se sont réunis pour prendre part à l’assemblée annuelle de l’Association médicale canadienne (AMC), souvent qualifiée de « parlement de la médecine » du Canada. L’une des séances stratégiques portait sur les conséquences des changements climatiques sur la santé. Débutant par un exposé du Dr James Orbinski, ancien président de Médecins Sans Frontières, cette séance arrivait à point nommé pour bien des Canadiens préoccupés par les vagues de chaleur oppressantes et les canicules brutales de l’été dernier.

Personne n’ignore que les villes du pays ont dû mettre les bouchées doubles, entre autres en émettant des avertissements de chaleur extrême, en transformant les bibliothèques en centres de rafraîchissement et en informant les résidents sur les dangers des coups de chaleur et de l’épuisement. Bien que tout le monde soit vulnérable, les aînés qui vivent dans l’isolement, les minorités raciales et les personnes qui souffrent de maladies chroniques, notamment de maladies mentales courent plus de risques.

La chaleur extrême nuit à la santé de plusieurs façons. Les oxydes nitreux et les composés organiques volatils, produits principalement par les véhicules motorisés que l’on retrouve dans les villes, sont catalysés à de hautes températures dans l’ozone; ces émissions peuvent augmenter l’inflammation des poumons. Les chercheurs ont démontré que pour les asthmatiques, des concentrations plus élevées d’ozone troposphérique sont associées à un plus grand nombre de visites au service d’urgence et d’hospitalisations. On peut également ajouter à cette liste que les Canadiens atteints d’une maladie pulmonaire obstructive chronique présentent un plus haut taux de mortalité.

Afin d’aider à atténuer ces conséquences désastreuses sur la santé, les médecins recommandent judicieusement de se réfugier dans un endroit frais et climatisé. Ironiquement, l’utilisation des appareils de climatisation pour un répit temporaire peut donner à long terme des résultats contraires à l’effet recherché. La consommation d’électricité provenant d’un réseau énergétique qui dépend encore d’une source d’énergie à base de carbone pour répondre aux demandes de pointe produit toujours plus d’émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Malheureusement, ces conséquences climatiques sur la santé ne représentent que la pointe de l’iceberg (qui fond rapidement).

Il y a un an, la Ville de Montréal publiait un plan quinquennal d’adaptation aux « changements climatiques ». En plus de traiter des vagues de chaleur et de l’augmentation des températures moyennes, ce plan présente une analyse de vulnérabilité locale pour quatre autres aléas climatiques : les pluies abondantes, les tempêtes destructrices, les sécheresses et les crues.

Heureusement, les décideurs et le milieu de la santé commencent à agir.

L’année dernière, les membres de l’AMC avaient enjoint l’organisation de se départir de ses actifs financiers dans le secteur des combustibles fossiles. Cette année, Gestion financière MD, une entreprise de services financiers et une filiale de l’AMC, a créé l’un des rares fonds communs de placement sans combustibles fossiles au Canada.

Le service de santé publique de Toronto publiait en juin dernier « Health Benefits of a Low Carbon Future » [Les bienfaits sur la santé d’un avenir caractérisé par de faibles émissions de carbone] – un rapport qui fait état des retombées locales sur la santé de la réduction des gaz à effet de serre et des étapes pour y parvenir. Bien que la portée des problèmes liés aux changements climatiques soit large, la recommandation de mettre en œuvre des mesures à l’échelle locale, qui sont axées sur la santé, mérite d’être approfondie.

Par exemple, dans le rapport, la réforme du transport figure parmi les moyens qui donnent des résultats immédiats. Les véhicules motorisés constituent les pires responsables des changements climatiques. Les incitations à recourir au transport actif et à d’autres moyens pour se déplacer contribuent grandement à changer cette situation.

La construction de quartiers à usage mixte où il est facile de faire ses courses sans voiture représente un pas dans la bonne direction.

Au Québec, des municipalités comme Sainte-Thérèse et Mont-Saint-Hilaire appliquent les principes de « l’aménagement axé sur le transport en commun » à cette fin. Des services complets de partage de vélos et le succès du système BIXI de Montréal, pas seulement dans les villes canadiennes, mais dans leur expansion à des endroits comme New York, Londres, Melbourne, Guadalajara et Honolulu constituent un autre pas dans la bonne voie.

Le vieil adage « réduire, réutiliser, recycler » est encore très pertinent.

En 2015, Vancouver a franchi une étape importante par le biais de la réglementation municipale. Plutôt que de jeter les matières organiques (comme les restes de cuisine) aux ordures, la ville exige que les entreprises et les résidents les trient pour les récupérer et en faire du compost riche en nutriments. Ce processus crée des biocarburants bons pour le climat qui servent à alimenter les moteurs, en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre qui se dégagent de la décomposition des déchets dans les sites d’enfouissement. La Toronto Environmental Alliance aide sa ville à faire du rattrapage. Après trois ans de campagne, elle a obtenu l’appui unanime du conseil municipal pour une stratégie des 3R (réduire, réutiliser, recycler) qui opte pour la voie du zéro déchet comme objectif à long terme.

La réduction des répercussions du transport, du traitement et de l’élimination des déchets sur l’air, le sol et l’eau constitue un gain important pour la santé.

Les changements climatiques représentent un problème complexe qui touche de nombreux aspects de nos vies. Ils rattachent les gaz à effet de serre à la chaleur extrême, aggravent les troubles médicaux comme l’asthme et les maladies pulmonaires obstructives chroniques et nous obligent à changer nos modes de transport et de production d’énergie électrique.

Les Canadiens comprennent naturellement dans quelle mesure leur santé est liée à ces problèmes. Reste à savoir si la vitesse à laquelle nous opérons actuellement les changements suffira à répondre à l’urgence de la situation en matière de changements climatiques.

 

Conseiller à EvidenceNetwork.ca, Danyaal Raza exerce comme médecin de famille à l’Hôpital St. Michael et est professeur adjoint à l’Université de Toronto. Il siège également au conseil d’administration de la Toronto Environmental Alliance.  

 


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