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Une version de ce commentaire est parue dans Options Politiques et Huffington Post Quebec

L’adoption à l’automne du projet de loi sur le cannabis par le gouvernement fédéral promet de faire le bonheur des producteurs autorisés, puisqu’ils pourront brasser des affaires sans avoir à se plier aux lourdeurs administratives qu’ils ont connues par le passé. En tant que médecin, je me sens beaucoup moins enthousiaste que ces derniers. Deux choses m’inquiètent : la nature expérimentale du recours à la marijuana en médecine et les conséquences de sa légalisation sur la santé publique.

Avant que vous ne me traitiez de puritain ou de conservateur fini, laissez-moi dire d’entrée de jeu que je ne m’oppose pas, en principe, à la légalisation de cette substance. Je ne fais que tenir compte des données probantes, ou plutôt, de leur absence.

Jetons d’abord un coup d’œil aux recherches sur les propriétés médicinales du cannabis.

Dans ma pratique en tant que pédiatre, il arrive souvent que des parents attentionnés, soucieux d’aider un enfant souffrant d’une maladie difficile, m’interrogent sur le sujet. Au cours des derniers mois, on m’a demandé si le cannabis pouvait être utile dans le traitement du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, du trouble du spectre de l’autisme ou de la paralysie cérébrale, pour ne citer que ces exemples.

Si les parents envisagent ce genre de solution, c’est que les médicaments ou les traitements conventionnels ne s’avèrent pas très efficaces pour traiter certaines maladies. Nombreux sont ceux qui entendent parler dans les médias du « remède miracle » que constituerait le cannabis médicinal.

J’aimerais pouvoir me montrer plus optimiste lorsqu’ils me questionnent. Je suis enthousiasmé à l’idée qu’une nouvelle médecine puisse réussir à traiter des affections que les médicaments actuels n’arrivent pas à soulager. Malheureusement, on est encore loin du compte.

Alors, qu’avons-nous appris jusqu’à maintenant au sujet du cannabis?

Commençons par les bonnes nouvelles. En mai dernier, un essai contrôlé à double insu avec placebo a montré que le cannabidiol (l’un des ingrédients actifs du plant) avait réduit le nombre de crises épileptiques chez les enfants atteints du syndrome de Dravet, une affection qui provoque des crises graves, des retards de développement ainsi que des problèmes de mobilité et d’équilibre.

Il est même possible que la U.S. Federal Drug Administration se fonde sur ces résultats pour approuver l’usage du cannabidiol dans les cas d’épilepsies difficiles à traiter.

Et ce ne sont pas les seules nouvelles porteuses d’espoir. Certaines études ont montré que le cannabis thérapeutique produisait des effets modérés chez les patients souffrant de douleurs neuropathiques, de raideurs et de spasmes musculaires involontaires, tous des symptômes associés à la sclérose en plaques.

Les résultats sont moins probants, mais restent néanmoins prometteurs, en ce qui concerne son utilité possible dans différentes situations : le traitement de la nausée et des vomissements consécutifs à la chimiothérapie chez les personnes atteintes de cancer; la prise de poids chez les patients séropositifs; le traitement des troubles du sommeil; et la réduction des symptômes du syndrome de la Tourette.

Voilà tout ce que la recherche nous apprend hors de tout doute pour l’instant. Rien ne démontre jusqu’ici que le cannabis est plus efficace que les traitements courants, quelle que soit la maladie dont on souffre.

Certaines utilisations courantes de la marijuana thérapeutique ont été popularisées par les médias, notamment le traitement du trouble de stress post-traumatique et de l’anxiété. Toutefois, elles n’ont pas fait l’objet d’une évaluation sur une longue durée. Même s’il peut apporter un soulagement à court terme, l’usage prolongé du cannabis pourrait intensifier les comportements agressifs ou même aggraver les symptômes d’une personne. Il risque aussi de reporter le début de traitements dont l’efficacité est déjà reconnue.

Par ailleurs, le cannabis médicinal utilisé aujourd’hui n’est plus le même qu’autrefois. En règle générale, sa concentration en THC (le principal ingrédient psychoactif) a augmenté de façon constante depuis les années 1960. En fait, la marijuana vendue par les producteurs autorisés affiche des concentrations en THC supérieures à 15 % pour une part substantielle des souches disponibles.

En quoi cela pose-t-il problem?

Le cannabis utilisé en recherche médicale a une teneur en THC inférieure à 10 %. De plus, nous savons qu’un taux élevé de THC peut prédisposer un individu à la psychose et qu’il pourrait même affaiblir ses capacités intellectuelles.

Même si j’ai bon espoir que le cannabis thérapeutique mènera un jour ou l’autre à des percées médicales, j’estime qu’il faut en faire davantage pour prévenir le public et le convaincre que la recherche n’en est encore qu’au stade expérimental. Rien ne permet de conclure que l’usage de cette substance comporte des avantages pour une majorité de maladies. Il peut même être néfaste.

Malgré tout, lorsque je vois la quantité de projets de recherche entrepris dans le but de mieux cerner ses avantages éventuels et ses risques, je reste confidant.

Passons maintenant aux conséquences pour la santé publique de la légalisation de l’usage récréatif du cannabis. Nous disposons de données suffisantes pour conclure que le gouvernement devra multiplier les messages d’intérêt public afin que la population comprenne que la marijuana peut affaiblir les facultés au volant et nuire à la sécurité au travail, sans oublier ses répercussions éventuelles sur la santé mentale et le développement intellectual.

Une fois la loi adoptée, évitons d’aller trop vite ou trop loin sans se soucier des preuves scientifiques et mettons l’éducation du public au centre de nos preoccupations.

 

Pédiatre exerçant à Calgary, Scott McLeod, M.D., FRCPC, se spécialise dans le diagnostic et le traitement des enfants qui ont des déficiences développementales. Expert-conseil auprès du site EvidenceNetwork.ca, il prend fait et cause pour ses patients et prodigue des soins en suivant une approche axée sur les données probantes et la famille.

octobre 2017


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