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THE CANADIAN PRESS/Galit Rodan

Le nouveau mode de financement des hôpitaux offre des leçons sur la gestion du changement

S’il y a une chose sur laquelle les gouvernements provinciaux du Canada peuvent s’entendre, c’est que le statu quo en santé n’est plus viable pour offrir un accès équitable à des soins de qualité, et ce, de manière rentable. Le ministère de la Santé de l’Ontario, sous le précédent gouvernement, a ouvert la voie à un changement du mode de financement des hôpitaux, dans un effort pour encourager la mise en œuvre de pratiques exemplaires au chapitre des soins aux patients.

Réussir un changement majeur de politique dans les hôpitaux est un grand défi. La Province de l’Ontario jusqu’à maintenant réussit-elle cet exploit? Oui et non. Les autres provinces peuvent-elles en tirer des leçons? Absolument.

Certains hôpitaux ont mieux géré le changement que d’autres. Leur recette : une communication ouverte et une collaboration étroite entre des experts les mieux placés pour comprendre les soins aux patients, comme les médecins, les infirmières et les patients eux-mêmes, et les experts en finances, les équipes décisionnelles des hôpitaux et des analystes de politiques.

En 2012, les hôpitaux ontariens ont commencé à remplacer certains de leurs budgets globaux, soit le montant annuel que les hôpitaux reçoivent habituellement pour financer tous les soins aux patients, par ce que l’on a nommé les « procédures fondées sur la qualité »(PFQ). Ce système de « financement par patient » accorde aux hôpitaux un tarif établi à l’avance pour chaque diagnostic (comme la pneumonie) ou chaque procédure (p. ex., une arthroplastie du genou) à l’admission des patients.

L’avantage d’un financement global des hôpitaux par le biais de budgets est qu’il est prévisible, stable et simple à gérer sur le plan administratif. Toutefois, les problèmes soulevés par quelques critiques incluent le manque d’incitatif à améliorer l’efficacité et la transparence du financement des soins et le fait que ces fonds ne cibleraient pas nécessairement des secteurs prioritaires si les priorités de dépenses du gouvernement et des hôpitaux ne coïncident pas.

L’intention derrière les procédures fondées sur la qualité était d’améliorer l’accès aux soins, de réduire les coûts par admission, de diminuer les variations dans les coûts et les pratiques en clinique et surtout d’améliorer la qualité des soins aux patients.

Dans le cadre de ce changement de mode de financement, les hôpitaux ont également reçu des manuels cliniques – décrivant l’accès aux soins basés sur des données probantes pour chaque diagnostic et procédure fondés sur la qualité – afin de mieux guider les médecins, les infirmières et les autres prestataires de soins dans l’offre de « bons soins, au bon endroit, au bon moment » et à juste coût.

Comment s’est donc opérée cette transformation?

Nous avons récemment publié une étude montrant que, comme pour la plupart des changements apportés à des systèmes complexes, certains hôpitaux ont mieux géré que d’autres le déploiement de procédures fondées sur la qualité. Comme ce qu’en a dit un cadre supérieur d’un établissement de soins, « les hôpitaux repoussent le changement et sont lents à agir en disant que c’est plus difficile à gérer qu’ils se l’étaient imaginé et que la mise en œuvre pose toutes sortes de complications ».

Étant moins prêts pour le changement, certains hôpitaux ont eu du mal à s’adapter, particulièrement si leur structure était complexe ou s’ils n’avaient pas la capacité de gestion nécessaire pour le soutenir.

À l’inverse, les hôpitaux qui ont su s’adapter ont affiché un niveau élevé de préparation au changement et avaient une bonne capacité de gestion, particulièrement lorsque les nouvelles exigences étaient moins complexes.

Le changement ne se déroule jamais comme prévu, et un changement à grande échelle apporté dans des systèmes de soins de santé complexes ne fait pas exception à cette règle.

Les anciens modèles peuvent être difficiles à casser. À la première tentative, l’échec peut sembler inévitable, mais comme tout bon entrepreneur le sait, l’insuccès devrait être vu comme une occasion d’apprendre et de réessayer. De même, la capacité à faire le point en cours de route par des évaluations intégrées permet aux dirigeants de système de santé de regarder honnêtement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Qu’il s’agisse de personnes ou de systèmes complexes, savoir admettre qu’il est temps de changer de cap est essentiel à toute amélioration.

Nous suggérons qu’un processus structuré soit mis en place pour aider à déterminer les bons outils de travail afin que l’adoption de nouvelles initiatives soit favorisée et que les résultats souhaités soient atteints. À cette fin, nous proposons que ceux qui cherchent le changement, quel que soit le contexte, posent trois questions : Qui a besoin d’apporter des changements, et à quoi? Pourquoi ces changements ne sont-ils pas en train de se produire maintenant? Que pouvons-nous faire pour encourager le changement et surmonter les obstacles?

Pour permettre une transformation en profondeur, il faut beaucoup de courage, une vision partagée et une communication claire. Les efforts et tentatives de l’Ontario pour mettre en œuvre le changement sont précieux et riches en leçons, et le ministère de la Santé de l’Ontario, les hôpitaux, les organismes de soins de santé provinciaux et les fournisseurs de soins devraient être applaudis pour le travail qu’ils ont accompli.

Reproduire le succès de l’Ontario dans les autres provinces et continuer à expérimenter un nouveau modèle contribueraient à garantir que des soins de santé abordables et de grande qualité soient accessibles à tous les Canadiens.

 

Karen S. Palmer est chercheuse en systèmes de soins de santé et en politiques au Women’s College Research Institute de Toronto, professeure auxiliaire à l’Université Simon Fraser et conseillère experte auprès d’EvidenceNetwork.ca, attaché à l’Université de Winnipeg.

Noah Ivers est médecin de famille au Women’s College Hospital, chercheur au Women’s College Research Institute et professeur adjoint à l’Université de Toronto.

Septembre 2018


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