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Une version de ce commentaire est parue dans Le Soleil

What should we be paying for in our publicly funded health system?

Comme l’a démontré une récente enquête menée par le Globe and Mail, certains Canadiens doivent payer un supplément pour les soins qu’ils croient être entièrement couverts. L’enquête a révélé la complexité de cette problématique.

Le système de santé canadien n’est pas aussi « public » que beaucoup de personnes voudraient bien le croire. Contrairement aux enseignants des écoles publiques, ceux qui fournissent des soins de santé ne sont pas des employés du gouvernement. Et ce que nous appelons des « hôpitaux publics » sont en fait des organismes privés à but non lucratif. Selon les termes de l’OCDE, le système de santé canadien est un modèle de « contrat public » qui repose sur le financement public de prestataires privés.

Il n’y a pas, non plus, de système canadien. Comme les soins de santé au Canada sont de compétence provinciale, il existe des écarts considérables à la grandeur du pays.

Toutefois, pour recevoir les transferts du fédéral, les régimes d’assurance provinciaux sont tenus de financer entièrement tous les « services assurés » aux « personnes assurées ». Pour des raisons historiques, on entend par « services médicaux assurés » ceux qui sont nécessaires sur le plan médical et rendus par un médecin, dans un lieu donné (hôpitaux). En conséquence, seulement environ 70 pour cent des soins de santé sont financés par l’État.

Le privé finance la plupart des soins dentaires et une part considérable de soins en réadaptation, de produits pharmaceutiques pour soins ambulatoires et de soins de longue durée. Lorsque la prestation de soins se fait hors établissement, on constate alors un déplacement hors du cadre du financement public.

En raison de notre modèle actuel, dans la mesure où les services fournis dans les cliniques privées n’entrent pas dans la définition de « services médicaux nécessaires », les frais supplémentaires n’ont rien d’illégal. Une chirurgie esthétique ou les évaluations de santé de cadres supérieurs en sont de bons exemples.

Comme l’enquête a permis de le relever, certains médecins ont aussi trouvé des failles qui leur permettent de facturer des services supplémentaires qui n’entrent pas dans la catégorie des services assurés. Un exemple probant est celui d’un patient de l’Ontario qui a dû payer 495 $ pour voir une diététiste, un service non assuré, afin d’être placé plus haut sur une liste d’attente pour subit une colonoscopie couverte au public. D’autres exemples illustrent des échappatoires parfaitement légales, incluant des traitements de blessures liées au travail payées (légalement) par les commissions des accidents du travail.

Il existe également des écarts dans les services que les organismes de financement provinciaux considèrent comme assurés. Par exemple, l’Ontario encadre des « établissements de santé indépendants » qui offrent des services qui pourraient autrement être effectués dans des hôpitaux et leur interdit de facturer des « frais d’établissement » aux patients pour des services qui seraient couverts par le public. Beaucoup d’autres provinces ne le font pas, ce qui permet aux fournisseurs de réclamer deux fois, en toute légalité, car ils facturent des services supplémentaires qui ne sont pas forcément assurés publiquement.

L’enquête a fait grand cas de l’importance de sévir concernant ces activités, même si on peut contester l’illégalité de ces pratiques et parler plutôt d’un problème d’éthique.

La preuve internationale suggère fortement qu’il y a peu d’avantages à permettre le paiement privé.

C’est logique, car il n’y a aucune raison de payer des frais supplémentaires pour des services qui seraient autrement couverts par un régime public, à moins que ces services « gratuits » soient inférieurs ou considérés comme tels. Comme il n’y a pas lieu de payer pour contourner une file d’attente, à moins que cette attente soit longue, la preuve révèle que le fait de permettre un paiement au privé diminue la qualité des soins accessibles au public.

Il existe des approches prometteuses pour améliorer les temps d’attente; s’assurer que les ressources nécessaires sont en place et apprendre des ingénieurs et améliorer la gestion des files d’attente, incluant l’instauration de points d’entrée uniques.

À mon avis, les questions que l’on devrait se poser sont les suivantes : « Quels services devrions-nous avoir à payer?  Et si nous devons investir plus d’argent, pourrait-on le placer de manière à améliorer la santé des gens? » Au lieu d’insister sur le fait que les personnes doivent être traitées dans les hôpitaux pour recevoir les produits pharmaceutiques ou la réadaptation dont ils ont besoin, n’y aurait-il pas lieu d’étendre la liste de services assurés pour couvrir les soins médicaux essentiels, peu importe l’endroit où ils sont donnés et qui les prodigue?

Par ailleurs, la quantité n’est pas toujours gage de qualité. Faire subir un test diagnostique qui n’est pas nécessaire et un traitement connexe en guise de prévention n’est pas nécessairement une solution optimale. Combien de personnes n’ayant pas le cancer devraient suivre une thérapie ayant de graves effets secondaires afin d’éviter qu’un cas de cancer passe inaperçu?

Nous ne devrions pas faire peur aux gens en leur laissant croire qu’ils pourraient mourir s’ils ne paient pas pour obtenir plus de soins, des soins dont ils n’ont pas toujours besoin et qui peuvent avoir de graves conséquences. Nous devrions plutôt soutenir les cliniciens, notamment ceux de Choosing Wisely Canada, qui recherchent des solutions gagnantes pour tous, à moindre coût.

 

Raisa Deber est professeur à l’Institut de politique, de gestion et d’évaluation de la santé de l’Université de Toronto et conseiller expert auprès d’EvidenceNetwork.ca. Son nouveau livre, Treating Healthcare, sera publié par la Toronto University Press en décembre 2017.


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