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Le système canadien de soins de santé fonctionne bien, avec une touche d’humanité

Une version de ce commentaire est parue dans Le Huffington Post Québec

Voir clairementJ’ai subi l’année dernière une chirurgie de la cataracte, une expérience qu’une personne visuelle anticipe avec terreur. Amoureuse des arts et adorant contempler l’océan, j’étais nerveuse à l’idée que quelqu’un touche à mes yeux. J’ai reporté la chirurgie à quelques reprises, mais je m’y suis finalement résignée. Et tout s’est bien passé, en fin de compte. Pour tout dire, j’ai bien aimé être de nouveau capable de bien voir les couleurs. J’ai eu accès à cette opération grâce à notre système de santé et les soins que j’ai reçus m’ont été offerts par des professionnels expérimentés et efficaces.

La plupart des Canadiens disent avoir vécu des expériences tout aussi positives que la mienne lorsqu’ils ont été en contact avec le système de soins de santé. Lors d’un sondage effectué en 2012, 71 % des répondants ont déclaré que les soins prodigués à leur famille au cours des cinq dernières années avaient été bons ou très bons. Toutefois, à la question demandant aux répondants d’évaluer l’état général du système de santé, seulement 55,5 % ont déclaré qu’il était en bon état ou très bon état.

Ces chiffres sont contradictoires : si la majorité des Canadiens vivent de bonnes expériences personnelles dans leurs rapports avec le système de soins de santé, pourquoi la plupart des gens affirment-ils en même temps que le système fonctionne mal ?

Il semble y avoir un fossé chez les Canadiens entre leur opinion personnelle et l’idée qu’ils se font de l’efficacité du système de santé pour la société dans son ensemble. Les Canadiens considèrent avec fierté leur modèle de soins de santé public comme une partie importante de leur identité nationale et décrivent l’expérience qu’ils en ont comme étant essentiellement positive, mais se disent du même souffle préoccupés par le manque d’efficacité du système.

Ce que nous lisons dans les journaux a probablement beaucoup à voir avec cet état de choses. Deux analyses récentes de la couverture médiatique sur plusieurs années, l’une effectuée par la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé (FCASS) et l’autre par les chercheurs Stuart Soroka de l’Université du Michigan, Antonia Maioni de l’Université McGill et Pierre Martin de l’Université de Montréal, ont révélé que lorsque des problèmes précis liés au système de santé, tels que les temps d’attente et la pénurie de médecins, font l’objet de plus d’attention dans la presse écrite et sur les ondes, les Canadiens considèrent ces enjeux comme plus importants. Ces analyses révèlent aussi que lorsque la couverture est plus négative au cours d’une année donnée, les répondants portent un jugement plus négatif sur ces aspects du système.

Les spécialistes des politiques décrivent souvent les soins de santé comme un problème pour lequel nous disposons de solutions incompatibles les unes avec les autres. Nous nous efforçons d’offrir des soins de la meilleure qualité possible, rapidement et à bon marché pour tout le monde, partout. Et à mesure que nous évaluons chacune de ces mesures et procédons à des rajustements constants pour assurer un équilibre des politiques, de nouvelles difficultés surgissent.

Ce que nous ne prenons pas toujours le temps de signaler, c’est que le système canadien de soins de santé est une réussite dans l’ensemble.

Les coûts du système sont environ les mêmes que dans les autres pays qui ont un PIB comparable, et sont de beaucoup inférieurs à ceux qui ont cours aux États Unis (4 602 $ contre 8 745 $ par habitant). L’espérance de vie au Canada est aussi similaire à celle qu’enregistrent d’autres grands pays européens (et de beaucoup supérieure à celle des Américains  81,5 ans contre 78,7 ans). Au regard des chiffres, le tableau d’ensemble est celui d’une réussite.

Une interaction de qualité avec le système de santé n’est par contre pas simplement une question de statistiques, la dimension humaine importe également. La chirurgie que j’ai subie récemment illustre un autre aspect positif de notre système, que le récit de l’expérience vécue par deux autres patients du service de chirurgie ce jour-là me permettra de mettre en évidence de façon encore plus claire.

L’hôpital m’avait informée à l’avance que tous les patients devaient pouvoir compter sur quelqu’un qui serait en mesure venir les chercher après la chirurgie. Mon mari ayant accepté de venir me chercher, le jour de ma chirurgie, j’étais assise avec plusieurs autres patients dans la salle d’attente tandis que des infirmières nous mettaient les gouttes oculaires requises avant la chirurgie.

La femme qui était à côté de moi ne parlait pas anglais et était de toute évidence aux prises avec un problème de taille : personne, semblait-il, ne viendrait la chercher après la chirurgie. Le personnel s’est alors employé à trouver une personne capable de communiquer un tant soit peu avec elle dans sa langue et de lui expliquer qu’on ne pourrait pas l’opérer s’il n’y avait personne pour l’aider à la maison. Au bout de 45 minutes, le personnel est arrivé à communiquer avec un ami de la femme et l’opération a pu avoir lieu.

Un autre patient a aussi eu droit à une attention particulière ce jour là. Après la chirurgie, le personnel a constaté que l’homme avait prévu retourner seul, à pied, à la résidence avec services de soutien où il vivait. Les infirmières lui ont dit qu’elles ne pouvaient pas le laisser partir ainsi, lui suggérant de prendre un taxi. Il n’en avait cependant pas les moyens. Elles lui ont alors dit de ne pas s’en faire, qu’elles allaient s’occuper du taxi et qu’il n’aurait pas à payer pour son transport.

Il est essentiel que les soins de santé soient de première qualité au Canada, mais il est également important qu’ils soient offerts selon des modalités adaptées aux besoins particuliers des personnes et des familles et tenant compte de la diversité culturelle des patients, et ce, avec une touche d’humanité. J’ai été impressionnée de voir que les infirmières prenaient un soin particulier à s’assurer que le système fonctionne bien pour tout le monde.

Je me réjouis que notre système de soins de santé m’ait permis de voir clairement à nouveau. Alors que nous poursuivons sur la voie d’une perpétuelle réforme de notre système de soins de santé afin de continuellement réduire les temps d’attente, améliorer l’accès et rehausser la qualité des soins, j’espère que nous ne perdrons jamais de vue le fait que d’entrée de jeu nous avons un très bon système. 

Noralou Roos est professeure au Département des sciences de la santé communautaire de la faculté de médecine de l’Université du Manitoba. Elle est également directrice et cofondatrice d’EvidenceNetwork.ca.

Visionnez deux affiches, 1 et 2 basées sur l’article

août 2014


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