Cinq faits généralement méconnus sur le système de soins de santé canadien

Par Kathleen O’Grady et Noralou Roos

Une version de ce commentaire est parue dans Le Huffington Post Québec

Cinq faits généralement méconnus sur le système de soins de santé canadienLes débats et discussions sur le système de soins de santé du Canada et sur les mesures qui nécessitent une réforme ne manquent pas. Tous ces échanges donnent cependant lieu à un nombre effarant de méprises sur la façon dont notre système de santé fonctionne réellement.

1. Les médecins sont des travailleurs indépendants, et non des employés du gouvernement.

Le système de soins de santé du Canada est financé par l’État, mais la grande majorité des médecins ne travaille pas pour le gouvernement. Les patients sont libres de choisir le médecin qu’ils souhaitent consulter et ont droit à tous les services médicaux essentiels sans frais. Les médecins sont quant à eux des travailleurs indépendants, ce qui signifie qu’ils peuvent déterminer eux-mêmes leur lieu de pratique et leurs heures de travail et qu’ils ont la responsabilité de payer leur personnel et d’assumer le coût des locaux qu’ils utilisent et leurs autres frais généraux. Les médecins tirent un revenu de leur pratique en facturant le gouvernement pour les services qu’ils offrent aux patients.

On qualifie souvent le système de soins de santé canadien de « socialisé », mais il s’agit dans les faits d’un système mixte où des fournisseurs privés facturent des gouvernements pour des services publics.

2. Le Canada compte 15 systèmes de soins de santé différents.

On parle souvent du « système de soin de santé canadien », mais en réalité chaque province et territoire possède son propre système distinct. Les principes généraux qui garantissent l’accessibilité et l’universalité des services hospitaliers et médicaux essentiels dans l’ensemble du pays sont définis par la Loi canadienne sur la santé, mais les détails du fonctionnement de chaque système, y compris ce qui est couvert par le régime public d’assurance maladie et les modalités de cette couverture, sont déterminés par les provinces et les territoires. Il existe en outre un système pour les anciens combattants et un autre pour les autochtones, qui sont tous les deux une responsabilité du gouvernement fédéral.

Ainsi, lorsqu’on additionne le tout, on obtient un énorme total de 15 systèmes de soins de santé différents. Une telle configuration a pour avantage de permettre à chaque province et territoire de façonner ses services de santé en fonction des besoins particuliers de sa population, mais a également pour inconvénient de rentre extrêmement difficile la coordination de réformes à l’échelle du pays.

3. Les services de soins de santé financés par l’État ne sont pas les mêmes partout au pays.

La Loi canadienne sur la santé garantit le paiement par l’État des services hospitaliers et médicaux essentiels, mais il y a de la variation entre les provinces et territoires quant à ce qui est considéré comme un « service de santé essentiel », et quant aux lieux et aux fournisseurs des soins offerts.

Par exemple, les traitements de fertilité font partie au Québec des services couverts par le régime public d’assurance maladie, alors que ce n’est pas le cas dans la plupart des autres provinces. Les coûts des accouchements réalisés par des sages-femmes autorisées sont payés par l’État dans certaines provinces, notamment la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec, mais ne le sont pas dans plusieurs autres provinces et territoires. Les thérapies pour les personnes autistes admissibles à un financement public varient grandement dans l’ensemble du pays. Les services d’avortement ne sont pas pareillement accessibles, ou même offerts, dans toutes les régions du Canada.

La Loi canadienne sur la santé ne prévoit aucune protection en ce qui a trait aux médicaments d’ordonnance, aux soins à domicile et aux soins de longue durée, c’est pourquoi ces services font l’objet d’approches extrêmement variées dans les différentes provinces et les différents territoires.

4. Il est interdit d’imposer des frais d’utilisation aux patients.

Les Canadiens ne peuvent se voir exiger des « frais d’utilisation » lorsqu’ils reçoivent d’un médecin des services couverts, c’est-à-dire des services qui sont déjà payés par le régime public d’assurance maladie. Il y a cependant des médecins qui contournent la loi et qui facturent à leurs patients des « frais annuels » pour la prestation de blocs étendus de services. Ces frais sont entièrement facultatifs et ne peuvent être demandés que pour des options de soins de santé qui ne sont pas essentielles.

Toutefois, au Québec, la réglementation permet aux médecins de facturer aux patients des médicaments et autres articles, si ceux-ci sont nécessaires pour une intervention couverte par l’assurance maladie, mais cette intervention est faite dans une clinique privée. Elle permet aussi aux médecins de facturer les photocopies, les courriels, les rendez-vous manqués et autres articles non couverts par le gouvernement.

5. Le système canadien n’est pas véritablement à « payeur unique », puisque le financement des soins de santé au Canada est en grande partie à la fois public et privé.

Les soins hospitaliers et les services médicaux essentiels font l’objet au Canada d’un financement public considérable, le taux de ce financement étant l’un des plus élevé au monde. Cependant, la plupart des Canadiens doivent débourser des frais pour les soins dentaires et des yeux, et plus 60 % des médicaments d’ordonnance sont payés par les patients.

Le Canada est le seul pays à posséder un système de soins de santé universel qui exclut les médicaments d’ordonnance. Les Canadiens assument donc toujours les frais d’environ 30 % de leurs soins de santé directement ou par l’entremise d’une assurance privée, l’État ne payant que 70 % des coûts. Les Canadiens sont donc dans les faits aussi susceptibles que les Américains de se doter d’une assurance maladie privée.

Kathleen O’Grady est rédactrice en chef à EvidenceNetwork.ca et agrégée de recherche à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia, à Montréal au Québec.

Noralou Roos est professeure au Département des sciences de la santé communautaire de la faculté de médecine de l’Université du Manitoba et directrice d’EvidenceNetwork.ca.

Decembre 2014

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