Simplifier et uniformiser les étiquettes des aliments pourraient mener à de meilleurs choix alimentaires
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Bien des gens consultent les étiquettes nutritionnelles, dans l’espoir de mieux manger et de gérer leur poids. La vérité est que la plupart des Canadiens, ne peuvent pas compter uniquement sur les étiquettes nutritionnelles puisqu’elles sont trop complexes et plus ou moins standardisées. Trop souvent, les étiquettes nutritionnelles provoquent la confusion, plutôt que la compréhension.
En fait, la plupart des personnes sous-estiment grandement la quantité de calories, de gras, de sel et de sucre qu’elles consomment, même après avoir consulté les étiquettes nutritionnelles.
Selon Statistique Canada, la moitié des femmes et environ sept hommes sur 10 consomment plus de calories que nécessaire, et jusqu’à 25 pour cent d’entre eux consomment des gras en quantités supérieures à la valeur recommandée.
À vrai dire, même si les Canadiens veulent mieux manger, nombre d’entre eux ne savent pas comment s’y prendre, et les étiquettes alimentaires n’aident en rien.
Des études démontrent que la majorité des Canadiens ne comprennent pas les valeurs quotidiennes ou la panoplie d’unités de mesure (g, ml, pourcentage) figurant généralement sur les étiquettes nutritionnelles. Moins de la moitié des participants d’une étude canadienne ont pu déterminer le nombre de calories contenues dans une boisson gazeuse, même après avoir lu l’étiquette nutritionnelle. La moitié des personnes qui ont lu « 110 calories par portion » sur l’étiquette croyaient qu’il s’agissait du nombre de calories par bouteille, alors qu’en fait, la bouteille en question contenait plusieurs portions (264 calories).
Les fabricants canadiens d’aliments préemballés ont l’obligation d’afficher un tableau des valeurs nutritives. Or, la réglementation ne s’applique pas aux aliments servis dans les restaurants. Les portions recommandées ne sont pas uniformisées, et les logos au recto des emballages et les allégations relatives à la santé sont pour la plupart non réglementés.
La mise en place d’un processus d’étiquetage est pourtant relativement peu coûteuse et autonomise les consommateurs en leur offrant la possibilité de s’informer et de faire des choix alimentaires. Grâce à de petits changements, le public peut accéder à l’information et possiblement améliorer sa santé.
La modification de la réglementation en vue de simplifier l’information nutritionnelle et les produits alimentaires ainsi que l’imposition de normes en matière d’étiquettes nutritionnelles dans les restaurants pourrait favoriser chez le public une meilleure compréhension, de meilleurs choix alimentaires et une réduction de la consommation de calories. Les gouvernements doivent aussi s’assurer que les allégations sont fondées sur des données probantes et faciles à comprendre.
Le gouvernement fédéral a récemment demandé aux Canadiens ce qu’ils souhaiteraient voir sur les étiquettes des produits alimentaires, ce qui constitue un premier pas dans la bonne direction.
La population canadienne exige un système d’étiquetage plus facile à lire, des polices plus lisibles, des termes plus simples et l’utilisation de couleurs et de symboles. Le gouvernement envisage la possibilité d’introduire des changements, comme regrouper tous les sucres, modifier la grosseur des polices et normaliser la taille des portions. Ces initiatives sont positives, mais il faut aussi mettre en place des solutions plus exhaustives.
Le Royaume-Uni a adopté un système de codage couleur. Des « feux de circulation » indiquent la teneur de certains éléments nutritifs dans un produit. Par conséquent, les supermarchés ont remarqué une augmentation des ventes aux comptoirs des fruits et légumes. Une étude démontre que l’ajout sur l’étiquette du nombre de minutes de marche requises pour éliminer les calories consommées contribue à réduire la consommation de calories.
Malheureusement, au Canada, les symboles au recto des emballages et les allégations relatives à la santé sont généralement conçus par l’industrie alimentaire. Ils sont souvent nébuleux et parfois non fondés sur des données scientifiques probantes. Même Santé Canada informe les consommateurs de ne pas se fier à ces allégations de santé pour faire des choix alimentaires éclairés.
Il y a sept ans, le comité permanent de la santé du Canada a demandé au gouvernement fédéral d’imposer l’étiquetage et le recours à des étiquettes normalisées, simples et apposées sur la partie recto des emballages. Le comité attend toujours. En fait, au lieu d’aller de l’avant, le gouvernement a choisi en 2012 de ne plus surveiller les allégations figurant sur les étiquettes, pour des raisons budgétaires.
Les politiques portant sur la réglementation en matière d’information nutritionnelle dans le milieu de la restauration nécessitent également une réforme. Selon une étude, les Canadiens sous-estiment constamment le nombre de calories contenues dans les repas aux restaurants, parfois jusqu’à 900 calories. Même les diététistes professionnels sous-estiment de 200 à 600 le nombre de calories présentes. Or, près de 40 pour cent des Canadiens mangent au restaurant plusieurs fois par semaine. La mise en place d’une réglementation concernant l’étiquetage dans les menus devrait donc constituer une priorité.
En novembre, l’Ontario a présenté un projet de loi en matière d’étiquetage nutritionnel des menus. Si la loi est adoptée, tous les restaurants, les dépanneurs et les épiceries comptant plus de 20 emplacements devront afficher dans les menus et sur les tableaux d’affichage le nombre de calories dans les aliments. Les autres provinces emboîteront-elles le pas?
L’industrie alimentaire a pour objectif de réaliser des profits et de nombreuses compagnies créent et introduisent constamment des produits qui mènent à la surconsommation de sucre, de gras et de sel, lesquels contribuent de façon importante à l’épidémie d’obésité. L’étiquetage obligatoire aidera peut-être les consommateurs motivés et scolarisés qui désirent améliorer leur alimentation. Il faut cependant mettre en place des incitatifs environnementaux plus musclés, comme l’augmentation des prix des boissons édulcorées au sucre et la réduction de la taille des portions, afin de combattre de manière plus efficace l’épidémie d’obésité.
Nous pouvons au moins commencer par donner accès à des étiquettes nutritionnelles adéquates pour que les Canadiens choisissent leurs aliments de façon éclairée.
John Millar œuvre à titre de professeur clinique à la School for Population and Public Health de l’Université de la Colombie-Britannique. Il enseigne et fait de la recherche dans les domaines du leadership en santé publique, des politiques sanitaires et de la santé internationale.
Mélanie Meloche-Holubowski est stagiaire en journalisme à EvidenceNetwork.ca. Elle est également webmestre et journaliste à Radio-Canada, à Montréal.
Janvier 2015