L’inefficacité de l’assurance-médicaments privée coûte 5 milliards chaque année aux entreprises

Par Alan Cassels et Sean O'Brady

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L’inefficacité de l’assurance-médicaments privée coûte 5 milliards chaque année aux entreprisesIl existe beaucoup de gaspillage au sein des systèmes de santé, mais un aspect qui semble avoir échappé à cette analyse est le gaspillage dans les assurances-médicaments privées au Canada. Estimés à plus de 5 milliards par année, cela représente la moitié des dépenses annuelles des prescriptions payées par les assureurs privés canadiens. Ces montants versés par les employeurs pourraient être mieux investis dans l’augmentation salariale et dans l’amélioration d’autres avantages sociaux, comme les couvertures dentaires.

La plus grande partie des avantages sociaux d’un employé est l’assurance-médicaments. Contrairement aux régimes publics, les régimes privés sont notoirement inefficaces. Par exemple, ils couvrent souvent des médicaments plus chers qui ne donnent pas de meilleurs résultats pour la santé des assurés ou ils utilisent des intervalles de renouvellement sous-optimaux.

Pourquoi les régimes privés sont si inefficaces? Il est possible d’apprendre beaucoup de la façon dont les entreprises gaspillent des montants faramineux sur les prescriptions de médicaments en analysant comment ils négocient ces régimes avec leurs employés et avec d’autres acteurs du monde de l’assurance. Notre nouvelle étude publiée dans le périodique Health Policy analyse comment les régimes d’assurances-médicaments sont négociés dans le secteur privé.

En recourant à des entretiens avec des experts provenant des entreprises privées, des syndicats, des assureurs et des consultants en rémunération, notre étude nous a permis de comprendre l’expérience des interviewés et les bases de la négociation d’assurances-médicaments dans le contexte d’entreprises syndiquées.

Nos résultats démontrent que chaque acteur garde les autres dans l’ignorance quant aux régimes qu’ils négocient. Les employeurs qui connaissent les détails de leurs régimes d’assurances cachent des données sur les dépenses en médicaments de leurs employés pour ainsi conserver un avantage dans le processus de négociation. Les experts syndicaux savent que les régimes sont inefficaces, mais ils manquent souvent d’informations suffisantes sur les dépenses en médicaments pour convaincre les employés de la nécessité d’introduire des mesures de réduction de coûts.

Les employeurs veulent que leur régime soit aussi compétitif que ceux offerts par les autres employeurs. Puisque la norme est de couvrir tout nouveau médicament à n’importe quel prix même si ceux-ci n’offrent aucune valeur thérapeutique additionnelle. Au final, il ressort que ces employeurs achètent des régimes « généreux » au lieu d’augmenter les avantages sociaux de leurs employés.

L’entièreté des personnes interviewées s’accorde sur le besoin d’éduquer les employés et les employeurs. En effet, les intervenants interrogés (même les assureurs) s’entendent sur le fait que le coût exorbitant des médicaments est un défi de taille qui met en jeu la pérennité des régimes.

Par exemple, les assureurs pourraient davantage sensibiliser leurs clients que la norme de couvrir « tout à tout prix » n’apporte souvent peu de valeur thérapeutique additionnelle. Une solution possible serait d’implanter de manière proactive des formulaires de gestion des médicaments plus contraignants. Cependant, les intérêts financiers des assureurs ne sont pas en phase avec ceux de leurs clients puisque des régimes d’assurance-médicaments inefficaces sont, malheureusement, très profitables pour les assureurs.

Le problème central est que les assureurs sont rémunérés en fonction d’un pourcentage des dépenses totales en médicaments. Ainsi, plus la facture est élevée, plus ils sont payés — il s’agit donc d’un principe qui contrecarre les efforts pour identifier et éliminer le gaspillage dans les régimes. Parfois même, les compagnies pharmaceutiques ciblent la vente de certains produits uniquement pour les régimes privés d’assurance-médicaments parce que ceux-ci n’implantent aucune restriction.

Selon les propos recueillis, puisqu’il existe peu de confiance et d’échanges d’informations entre les syndicats et les employeurs, ceux-ci resteront incapables de s’unir afin de demander des régimes efficaces qui permettraient d’assurer une bonne couverture en médicaments tout en jugulant le gaspillage.

La majorité des intervenants interviewés seraient d’accord avec l’introduction d’un régime public universel d’assurance-médicaments et croient que nous devons aller dans cette direction.

Il est actuellement temps de s’interroger sur les possibilités de reformer les régimes d’assurance-médicaments et d’éliminer le gaspillage dans les dépenses en médicaments. Il est peu plausible que le système change par lui-même. Identifier et éliminer le gaspillage dans les régimes privés permettrait d’augmenter les revenus disponibles des travailleurs tout en réduisant le coût de la main-d’œuvre, ce qui permettrait d’accroître significativement la compétitivité de nos entreprises.

Sean O’Brady est étudiant au doctorat à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. Alan Cassels est expert-conseiller chez EvidenceNetwork.ca et chercheur à la Faculty of Human and Social Development de l’Université de Victoria. Marc-André Gagnon est expert-conseil à EvidenceNetwork.ca et professeur adjoint à la School of Public Policy and Administration de l’Université Carleton.

Janvier 2015

Vous pouvez écouter en baladodiffusion une entrevue sur le sujet à l’adresse suivante:

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