Pourquoi le Conseil de la fédération devrait-il s’attaquer au problème de la continuité des soins?
Les premiers ministres provinciaux prendront part à la prochaine rencontre du Conseil de la fédération, qui se tiendra à Halifax à la fin du mois de juillet, et la question des soins de santé sera fort probablement à l’ordre du jour. Le premier rapport du groupe de travail sur l’innovation en matière de santé, mis sur pied par les premiers ministres, sera en effet présenté à cette réunion, et l’on s’attend à ce qu’il traite dans une optique nationale des problèmes de ressources humaines et de prestation des services dans le domaine de la santé. Cette rencontre sera aussi l’occasion d’établir le prochain ensemble de priorités du groupe de travail.
Les soins communautaires et à domicile devraient figurer en tête de cette liste des priorités. Voici pourquoi.
Les soins communautaires et à domicile regroupent la diversité des services que reçoit la population en dehors des hôpitaux et des cabinets de médecins. Cela comprend aussi bien les maisons de soins infirmiers que les soins à domicile, les services de soutien à la personne (tels que l’aide au bain ou au ménage), une variété de services de soins communautaires et, bien sûr, les soins prodigués par la famille ou des amis.
Idéalement, les fournisseurs de soins collaborent pour constituer une approche globale des soins communautaires et à domicile. Le contraire est coûteux, à la fois sur le plan de la santé des Canadiens et pour le système public de santé dans son ensemble.
Quand les soins communautaires et à domicile font défaut, les patients aboutissent dans les salles d’urgence des hôpitaux, souvent bien après le stade où des mesures de soins préventifs auraient pu fournir une solution. Plusieurs sont alors hospitalisés – ce qui est la forme de prestation de soins la plus coûteuse. Leur séjour à l’hôpital risque d’être beaucoup trop long, tandis qu’ils sont en attente d’une place dans une maison de soins infirmiers ou des services appropriés provenant d’une ressource communautaire. Dans les hôpitaux, un lit sur neuf est occupé par une personne âgée de plus de 65 ans qui pourrait recevoir ailleurs les soins dont elle a besoin.
Quand les salles d’urgence débordent et que tous les lits d’un hôpital sont occupés, les patients sont soignés dans les couloirs. Les conditions de soins et de travail sont dès lors menacées, et ce contexte accroît les risques d’infections, d’erreurs médicales et de réadmissions.
L’interdépendance des différents volets du système de soins de santé n’échappe pas au ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, M. Mike de Jong. Celui-ci a récemment annoncé à la Fraser Health Authority qu’elle avait 150 jours pour améliorer les aspects clés des soins hospitaliers, ce qui devrait notamment se manifester par une baisse du nombre de patients soignés dans les couloirs, par une réduction des délais d’accès à un vrai lit pour les personnes qui se présentent à l’urgence et doivent être hospitalisées, et par une diminution de la durée moyenne des séjours.
La Fraser Health Authority ne fait pas classe à part en Colombie-Britannique, et cette province n’est pas la seule à devoir relever ce type de défis. Les ministres de la Santé de partout au Canada recherchent des solutions aux débordements des services de soins de courte durée. Plusieurs ont adopté des mesures semblables pour améliorer les soins et réduire le recours aux salles d’urgence, aux hospitalisations pour des soins de courte durée et aux maisons de soins infirmiers.
Toutefois, ce que les provinces ne sont pas en mesure d’élaborer de façon isolée, c’est une approche globale et cohérente des soins communautaires et à domicile à l’intention de tous les Canadiens.
Toutes les provinces fournissent un certain financement public des services de soins communautaires et à domicile. Cependant, ces services ne sont pas prescrits par la Loi canadienne sur la santé, ce qui signifie que la portée de la couverture, l’admissibilité aux soins et les montants des subventions sont déterminés individuellement par les provinces et les territoires.
Le résultat : des différences notables quant aux types de soins offerts et quant aux personnes qui en bénéficient dans les différentes régions du Canada.
Par exemple, le nombre de lits dans des maisons de soins infirmiers est nettement plus élevé au Manitoba qu’ailleurs au Canada. La proportion de personnes âgées qui bénéficient de services à domicile financés par des fonds publics va de 6 % à l’Île-du-Prince-Édouard à 18 % en Ontario. Les résidents des maisons de soins infirmiers de cette même province maritime paient jusqu’à deux fois plus cher que ceux de l’Alberta pour les soins reçus, tandis que le processus menant à établir les montants des subventions de l’État accordées aux personnes diffère d’un endroit à l’autre. Dans des domaines importants, par exemple en ce qui a trait à la démence, même l’approche en matière de soins peut varier considérablement.
Pour des raisons d’équité et d’efficience, il apparaît important de réduire les différences marquées que l’on observe dans l’accès aux services de soins communautaires et à domicile d’un bout à l’autre du Canada.
La première étape en ce sens serait de définir une norme relativement à l’ensemble de services devant être offerts, de déterminer comment ces différents domaines de soins devraient être financés et de recenser les modèles de soins actuellement en place qui ont fait leurs preuves quant à la capacité de fournir des services de santé de grande qualité et de soutenir l’autonomie.
Les premiers ministres auront l’occasion, en juillet, de relever le défi.
Kimberlyn McGrail est conseillère experte associée au réseau EvidenceNetwork.ca, professeure adjointe l’Université de la Colombie-Britannique et codirectrice d’UBC Centre for Health Services and Policy Research. Linda Silas est présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers.
juillet 2012