Un nouveau programme de formation des médecins permet une amélioration des soins en santé mentale

Par Rivian Weinerman et Marcus Hollander

Un projet pilote qui améliore les soins aux patients et transforme la pratique traditionnelle

Chaque année, environ 10 % des Canadiens et Canadiennes font face à un problème de santé mentale. On estime que 20 % de la population canadienne souffrira d’une maladie mentale au cours de sa vie.

Les gens consultent généralement leur médecin de famille lorsqu’ils sont confrontés à un trouble de santé mentale, mais plusieurs omnipraticiens et omnipraticiennes se sentent mal outillés en ce qui a trait à ce type de problème. Dans les écoles de médecine, la formation des médecins généralistes aborde d’ailleurs très peu les enjeux liés à la santé mentale. Les médecins de famille de la Saskatchewan ont à ce titre ciblé la formation sur les ressources et les problèmes en santé mentale comme étant un des aspects de leur prestation de soins de santé mentale qui nécessitent le plus d’amélioration. Les médecins de famille de la Colombie-Britannique (C.-B.) ont également évalué que les diagnostics, les traitements et la planification des soins en santé mentale constituent les besoins les plus prioritaires en matière d’éducation complémentaire, de formation et de soutien.

En C.-B., un programme de formation novateur qui aide les médecins généralistes à offrir de meilleurs soins à leurs patients atteints de troubles mentaux est actuellement en place. Ce programme fait l’objet d’une appréciation favorable de la part des médecins qui y participent, de leurs patients ainsi que d’organismes en santé mentale de partout au Canada.

Le General Practice Services Committee (GPSC), un regroupement de la C.-B., s’est adressé à des spécialistes de la province en santé mentale afin d’élaborer et d’adapter un programme de formation destiné aux très occupés médecins de famille. Le GPSC est une initiative conjointe du ministère des Services de la santé de la C.-B. et de la BC Medical Association dont le mandat est de soutenir et d’assurer le maintien d’un service intégral en médecine familiale. Le module consacré à la santé mentale chez les adultes consiste en trois séances de formation d’une demi-journée offertes aux omnipraticiens et omnipraticiennes en pratique communautaire de la C.-B. Entre chaque séance de formation est prévue une période pendant laquelle les médecins peuvent apporter les modifications nécessaires à leur pratique et mettre à l’essai ce qu’ils ont appris.

Les formations du module d’apprentissage sont données par des médecins qui sont « dévoués » à la médecine familiale. Ceux-ci enseignent à leurs collègues un contenu portant sur les outils de dépistage, les méthodes de diagnostic, les options de traitement et la planification des soins à long terme. Un autre des facteurs de réussite du programme est l’inclusion dans la formation des assistants et assistantes de bureau de médecin, à qui on enseigne comment mieux planifier les rendez-vous et acquérir une meilleure habileté en communications interpersonnelles avec les personnes souffrant d’un problème de santé mentale.

Le module d’apprentissage comporte diverses composantes complémentaires ayant un certain degré de complexité, notamment une formation sur les compétences en thérapie cognitivo-comportementale pouvant être utilisées avec les patients lors de consultations de courte durée. On enseigne également aux médecins quelles sont les ressources en santé mentale dans leur collectivité et on leur signale la possibilité de diriger des patients vers des programmes d’accompagnement par téléphone ou d’autres programmes de soutien.

Le programme a été lancé à l’été 2009 et plus de 1200 des 3300 omnipraticiens et omnipraticiennes de la C.-B. s’y étaient inscrits en mars 2011. L’objectif est de faire en sorte que tous les médecins généralistes de la province souhaitant recevoir la formation puissent participer au programme.

Un sondage mené auprès des médecins de famille qui ont assisté au module de formation démontre un appui quasi unanime au programme, 90 % d’entre eux ayant affirmé que la formation leur a permis d’améliorer leur prestation de soins et 97 % qu’ils y ont appris quelque chose de nouveau qu’ils ont ensuite intégré à leur pratique. La vaste majorité (87 % en moyenne) a indiqué avoir gagné en confiance et en compétence dans le diagnostic et le traitement des problèmes de santé mentale. On a également demandé aux médecins de famille s’ils avaient constaté des progrès de trois à six mois après la formation. Plus de 80 % d’entre eux ont dit avoir utilisé divers outils de diagnostic et de traitement en santé mentale et 94 % que leurs soins avaient eu un effet important sur l’état de leurs patients. Nombre de médecins ont en outre observé de trois à six mois après la formation une amélioration ou une grande amélioration de l’aptitude à retourner au travail de 79 % de leurs patients. La plupart des médecins ont par ailleurs ajouté qu’ils tiraient une plus grande satisfaction de leur travail depuis la formation. Le fait que de nombreux médecins désireux de suivre la formation figurent actuellement sur des listes d’attente démontre la volonté de ceux-ci à améliorer leurs compétences et leur capacité à aider la grande proportion de leurs patients qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Cette formation a été « la plus importante amélioration de ma pratique depuis les 28 dernières années de ma carrière en médecine », a affirmé le Dr Bruce Hobson, médecin de famille de Powell River faisant partie des premières cohortes de participants au programme. Le Dr Hobson estime qu’il utilise ses nouvelles compétences quotidiennement dans le traitement de plus de 50 % de ses patients. « Dans la pratique d’un médecin de famille, il y a tant de choses qui comportent une dimension importante en santé mentale », a-t-il ajouté.

Parmi les patients suivis par le Dr Hobson se trouve une mère de 46 ans qui a souffert de dépression pendant des années. Suite à la participation du Dr Hobson au module d’apprentissage, elle a remarqué qu’il était devenu enthousiaste à l’idée de travailler avec elle. Grâce à son aide, elle a appris des techniques cognitivo-comportementales qu’elle utilise maintenant tous les jours, comme étouffer les pensées négatives qui surgissent dans son esprit et faire taire la voix intérieure qui la critique et la dévalorise. Son problème de dépression s’est grandement amélioré et elle envisage sa vie personnelle de façon optimiste pour la première fois depuis des années. « J’ai le sentiment que maintenant il traite la totalité de ma personne, autant sur le plan physique que mental. » Elle croit aussi que la thérapie cognitivo-comportementale l’a aidé à perdre 100 livres. Elle a cessé de trop manger pour gérer ses émotions et sa pression sanguine est aujourd’hui revenue à la normale. « Je pense que tous les médecins au Canada devraient suivre cette formation. Elle a apporté une énorme différence dans ma vie », a-t-elle commenté.

Ce programme peu coûteux est facilement transférable dans d’autres régions du Canada et pourrait contribuer à réduire la stigmatisation, à accroître l’accès à des soins efficaces et rapides ainsi qu’à améliorer la santé des patients. À ce titre, Louise Bradley, présidente-directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada, a exprimé le jugement suivant à propos du programme britanno-colombien : « Cette méthode innovatrice qui permet d’atteindre et d’éduquer un si grand nombre de médecins a la capacité d’améliorer, partout au Canada, la qualité des soins que reçoivent les personnes ayant de problèmes de santé mentale de leur médecin de famille. »

La Dre Rivian Weinerman est directrice régionale de la Division of Collaborative Care Psychiatry de la Vancouver Island Health Authority, ainsi que la principale conceptrice du module de formation du GPSC portant sur la santé mentale.

 

Marcus J. Hollander, Ph. D., est chercheur en politiques et services de soins de santé à l’échelle nationale et œuvre à titre d’expert-conseil auprès d’EvidenceNetwork.ca, une ressource en ligne complète et indépendante mise sur pied afin d’aider les journalistes à mieux couvrir les enjeux liés à la santé au Canada. Sa firme mène actuellement une évaluation complète des modules de formation du GPSC.

octobre 2011

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