Plus de soins de santé ne veut pas dire une meilleure santé

Par Robert Brown

 Il est crucial d’équilibrer les dépenses de santé et le soutien social

Une version de ce commentaire est parue dans Le Huffington Post Québec

Les lecteurs pourront se demander pourquoi le système universel de soins de santé ne figure pas dans la liste. En fait, le système entrerait dans une liste beaucoup plus longue de raisons, mais les recherches indiquent que notre système de soins de santé n’est pas aussi important que les sept autres premières raisons données.

L’espérance de vie s’est améliorée remarquablement au cours des cent dernières années, grâce, entre autres choses, à l’eau potable hygiénique, au lait pasteurisé, à l’évacuation sûre des eaux d’égout, à la sécurité au travail, à l’amélioration du niveau de vie, à une meilleure éducation et à des remèdes, ou des vaccins, contre de nombreuses maladies transmissibles (comme la variole et la diphtérie).

 Il a été estimé que les trois quarts au moins des augmentations de l’espérance de vie dans les pays développés au cours des cent dernières années s’expliquent par la prospérité accrue ainsi que par l’amélioration de l’alimentation, du logement, de l’hygiène et de la sécurité au travail.

En fait, il a été constaté qu’il n’y a pas de lien direct entre le montant que dépense une société pour les soins de santé et les résultats attestés sur la santé. Ainsi, à 17 % du PIB, les dépenses de santé des États-Unis sont (de loin) beaucoup plus élevées que celles de n’importe quel autre pays du monde. Pourtant, les taux d’espérance de vie et de mortalité infantile de ce pays (deux mesures courantes de la santé de la population) sont tout juste moyens comparativement à ceux d’autres nations développées.

Alors, si les soins de santé ne sont pas le principal déterminant de la santé de la population, qu’est-ce qui l’est?

Un énorme corpus de travaux de recherche montre qu’il existe une forte corrélation entre le revenu et l’espérance de vie. L’effet du revenu semble être plus fort que beaucoup d’autres variables ayant une incidence sur l’espérance de vie, comme la race et le niveau d’éducation.

On sait depuis un certain temps déjà que plus la situation de certaines personnes est avantageuse en ce qui a trait au revenu, au statut social, aux réseaux sociaux, au sens de maîtrise sur leur vie, à l’estime de soi et à l’éducation, plus ces personnes sont en bonne santé. Des revenus plus élevés sont associés à une meilleure santé, non seulement parce que les gens plus riches peuvent se nourrir, se vêtir, se loger adéquatement et acheter toutes les choses dont ils ont besoin, mais aussi parce que ces gens ont plus de choix et de contrôle sur les décisions qui touchent leur vie. Ce sentiment de sécurité globale est une caractéristique intrinsèque d’une bonne santé. Ainsi, la garantie d’un revenu est tout aussi importante que le niveau de revenu lui-même.

L’argument contraire qu’une mauvaise santé cause la précarité économique n’explique pas les résultats. Si nous examinons les sous-groupes de travailleurs par niveau de revenu, nous constatons que ceux dont le niveau de revenu est le plus bas ont des taux de mortalité sensiblement plus élevés au cours de la période de l’étude, même si l’on ne tient compte que des travailleurs dont le revenu a augmenté au cours de la même période.

Il y a également une forte corrélation entre le degré de la distribution équitable du revenu national et le niveau de santé de la population. En d’autres termes, si un pays veut grandement améliorer la santé de sa population, il doit adopter une politique d’élimination de la pauvreté.

Ces données sont extrêmement importantes aujourd’hui, alors que dans les années à venir, de nombreux programmes sociaux (y compris la Sécurité de la vieillesse) et la prestation des soins de santé se disputeront des ressources fiscales limitées. Il est crucial d’équilibrer adéquatement les dépenses de santé et le soutien social.

Une société qui dépense tant pour les soins de santé qu’elle ne peut pas ou ne veut pas consacrer l’argent nécessaire à d’autres activités visant à améliorer la santé peut en réalité réduire la santé de sa population.

Il existe un plafond des dépenses utiles pour la prestation traditionnelle des soins de santé. Au-delà de ce plafond, la santé de toute la population pourrait en réalité souffrir non seulement parce que les soins eux-mêmes procurent des avantages négligeables ou douteux, mais aussi parce que moins d’argent est disponible pour soutenir des activités visant à améliorer la santé dans les sphères générales de la politique sociale et économique, comme dans le développement de la petite enfance ou la sécurité du revenu.

On pose une question très réelle lorsqu’on se demande s’il est bénéfique pour la santé de la population de réduire le revenu de base de la sécurité sociale en augmentant, par exemple, l’âge de l’admissibilité à la SV de 65 à 67 ans, si la raison est de trouver toujours plus d’argent pour financer la prestation traditionnelle des soins de santé.

Étonnamment, le résultat obtenu pourrait être une baisse de la santé globale de notre population.

Robert Brown est conseiller expert auprès d’EvidenceNetwork.ca et actuaire titulaire de l’Institut canadien des actuaires. Il a été professeur en actuariat à l’Université de Waterloo pendant 39 ans et président de l’Institut canadien des actuaires.

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