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En instaurant un régime à payeur unique, le Nouveau-Brunswick aurait l’occasion de faire baisser leurs coûts de manière substantielle

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L’assurance obligatoire ne favorise pas un accès abordable aux médicaments d’ordonnance

Il semble que le gouvernement du Nouveau‑Brunswick soit sur le point de renoncer à instaurer l’assurance‑médicaments obligatoire, à deux doigts de l’entrée en vigueur de celle-ci. C’est une bonne décision.

Les conservateurs provinciaux avaient vanté leur projet en prétendant qu’il s’agissait d’une formule préférable à celle d’un régime public qui ne subventionnerait que les médicaments « onéreux » dont le coût dépasse un pourcentage donné du revenu d’un ménage. Dans un rapport publié ce mois-ci par l’Institut de recherche en politiques publiques, mes collègues et moi-même expliquons pourquoi les régimes d’assurance‑médicaments qui offrent une couverture en fonction du revenu ne sont bons ni pour les personnes âgées, ni pour l’économie.

Le régime préconisé par les conservateurs reposait sur une fausse prémisse, à savoir que le secteur privé est mieux placé que l’État pour gérer les choses. Cela est peut-être vrai dans de nombreux domaines, mais pas dans celui de la santé. Et certainement pas en ce qui touche l’approvisionnement en médicaments d’ordonnance sur le marché mondial.

Les conservateurs avaient conçu leur régime de façon à ce que le nombre de Néo‑Brunswickois couverts par un assureur privé soit le plus élevé possible. Pour arriver à leurs fins, ils avaient exigé que les employeurs offrent ce genre de couverture à leurs employés, en menaçant d’imposer des pénalités à ceux qui omettraient de le faire. De plus, ils avaient fixé pour le régime public d’assurance-médicaments des primes exorbitantes, espérant peut-être ainsi écarter l’attrait que pourrait susciter un programme gouvernemental des plus efficaces.

Pour adhérer à ce dernier, une majorité de ménages néo-brunswickois se seraient vus obligés d’acquitter une prime mensuelle équivalant à près de 3 % de leur revenu ou davantage. Cette prime se serait ajoutée aux impôts qu’ils auraient continué à verser afin de subventionner le coût des médicaments pour les familles à faible revenu – sans parler du financement du régime privé d’assurance-médicaments des employés du secteur public.

À titre d’exemple, les couples qui gagnent un revenu brut de 50 000 $ auraient déboursé 2800 $ par an en vertu de ce programme obligatoire. Cela représente plus de 5 % de leur revenu! Et ils auraient quand même eu à débourser jusqu’à 30 $ par ordonnance; cet obstacle aurait continué à faire hésiter un grand nombre à se procurer les médicaments qu’on leur prescrit.

Le problème ne réside pas dans l’idée de demander aux gens de contribuer en proportion de leur revenu à un programme destiné à répondre aux besoins en matière de médicaments d’ordonnance dans la province. Il concerne plutôt le fait qu’il est possible d’offrir aux Néo-Brunswickois, à un coût beaucoup moins élevé, un régime à payeur unique efficace, administré par le gouvernement.

Dans notre rapport à l’IRPP, nous argumentons que les régimes d’assurance-médicaments à payeurs multiples, quels qu’ils soient, font grimper inutilement les coûts administratifs et réduisent le pouvoir d’achat des régimes publics. Ce genre de régime nous coûte collectivement plus cher que nécessaire.

Le Nouveau-Brunswick compte certains des gestionnaires les plus expérimentés et dévoués au Canada dans le domaine de l’assurance-médicaments. Ce sont des personnes compétentes et responsables, un atout dans ce secteur important du système de santé. Or elles n’ont jamais vraiment eu la chance d’être mises à contribution pour le bien de la population dans son ensemble.

Aujourd’hui, la province débourse 208 millions de dollars sur les 746 millions dépensés annuellement à l’extérieur des hôpitaux pour l’achat de médicaments d’ordonnance. Cette part de marché, qui équivaut à 28 %, ne lui accorde pas un pouvoir suffisant pour exercer une réelle influence sur les prix, les habitudes de prescription et le recours aux médicaments génériques abordables.

Par contre, s’il instaurait un régime universel à payeur unique chargé de l’achat auprès des fabricants de tous les médicaments d’ordonnance médicalement nécessaires, le gouvernement disposerait d’un pouvoir suffisant pour faire baisser leur coût de façon assez substantielle. L’expérience de pays comparables indique en effet que leur prix pourrait diminuer de 25 % à 40 %.

Cela signifie qu’un programme gouvernemental bien géré permettrait d’offrir une couverture à l’échelle provinciale à un coût largement inférieur, pour les contribuables, que les primes prévues en vertu du régime d’assurance-médicaments envisagé par les conservateurs. Qui plus est, les employeurs ne seraient plus tenus d’assumer les coûts du régime de leurs employés.

On trouve toujours des opposants aux réformes qui permettraient de faire des économies. Après tout, il y a bien quelqu’un quelque part qui profite en ce moment même de l’argent qui pourrait être épargné grâce à un système à payeur unique bien administré. Prétendre que le Nouveau‑Brunswick a besoin d’un régime à payeurs multiples revient à dire que les contribuables devraient acquitter la facture d’un système inutilement coûteux dans le seul but de laisser certaines personnes réaliser des profits.

Il y a des choses que le secteur privé accomplit à merveille. La gestion des régimes d’assurance‑médicaments n’en fait pas partie, étant donné le caractère éminemment public du système de santé au Canada.

Les Néo-Brunswickois méritent mieux que cela. Si le gouvernement devenait l’unique payeur et administrateur du régime d’assurance-médicaments, les contribuables et les entreprises économiseraient chaque année des centaines de millions de dollars. Les patients, pour leur part, bénéficieraient d’un accès garanti aux médicaments dont ils ont besoin.

Steve Morgan est expert-conseil auprès du site EvidenceNetwork.ca, professeur et directeur du Centre for Health Services and Policy Research à l’Université de la Colombie-Britannique.

decembre 2014


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