Voir en Français

La moitié des personnes âgées meurent à l’hôpital selon une étude

Une version de ce commentaire est parue dans Le Soleil et Le Huffington Post Québec

La plupart des personnes âgées disent vouloir mourir à la maison. Pourtant, environ la moitié d’entre elles finissent leurs jours à l’hôpital, selon une étude menée récemment par Verena Menec, directrice du Centre sur le vieillissement de l’Université du Manitoba. Elle soutient que plusieurs de ces patients ne devraient pas mourir à l’hôpital. Ils pourraient passer leurs derniers moments dans des endroits plus confortables si nous disposions des services pour le faire. Mais souvent, ces services sont inexistants.

Mme Menec, qui est également spécialiste du domaine à EvidenceNetwork.ca, prétend que la structure des soins hospitaliers ne permet pas de traiter des patients âgés et frêles souffrant de maladies chroniques. « Dans cet environnement, la personne mourante est soumise à un grand stress, tout comme peut l’être également la famille », dit-elle. À la fin de leur vie, plusieurs patients effectuent de nombreux va-et-vient dans les salles d’urgence.

« Imaginez une personne frêle et confuse de 90 ans qui se présente à l’hôpital. Elle passe par le service de l’urgence et finit par y mourir. La famille n’est pas là, il n’y a que l’agitation qui règne dans ce service, poursuit Mme Menec. Je trouve que c’est vraiment désolant. »

La Dre Louise Coulombe offre ces soins. Elle parcourt la ville pour fournir aux patients des services palliatifs à domicile. À son bureau d’Ottawa, le système de gestion informatisé lui énumère les noms des patients à qui elle doit rendre visite. La froide voix numérique contraste avec la description que fait la Dre Coulombe de son interaction très personnelle avec les patients.

« À la maison, on voit avant tout les gens en quatre dimensions. On entre et on sait tout de suite qu’ils sont différents des autres. On a d’eux une vision plus en profondeur, qui ne se limite pas seulement à ce qu’ils vivent maintenant, mais qui tient compte de ce qu’ils ont traversé. »

La Dre Coulombe monte dans sa voiture pour aller rendre visite à Russell Peacock, un homme de 89 ans qui souffre d’un cancer de la thyroïde et qui vit seul dans un petit bungalow. Elle le qualifie de volubile. Dès l’arrivée de la Dre Coulombe, il s’empresse de raconter une histoire. « Oh, j’ai eu une mauvaise journée aujourd’hui. Je veux dire hier. Je suis allé magasiner avec mon frère… Il était fatigué, tout comme moi. » La Dre Coulombe interrompt son récit à maintes reprises pour lui dire de s’asseoir, de ne pas s’épuiser davantage.

M. Peacock pourrait vivre de trois à six mois ou plus.

« Voilà où j’en suis. Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais ça m’est égal. On vit au jour le jour de toute façon. Vous savez? Il faut vivre continuellement au jour le jour. » Il s’est installé dans cette maison peu de temps après son retour du front à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et y habite toujours. Il se rappelle encore la date de son déménagement, le treize octobre, mille neuf cent quarante-sept.

« Ça fait cinquante-quatre ans que je suis ici. Seigneur, imaginez ça. C’est toute une vie. » Vera, la femme de M. Peacock est morte ici et c’est ici qu’il aimerait rester. « Nous avons demeuré ici et j’y suis encore. J’habite toujours dans ma maison. Entre les docteurs là et les soins palliatifs, je suis capable d’en prendre, vous savez? » dit-il en riant.

La Dre Coulombe affirme que notre système de soins de santé est en train de changer lentement pour y intégrer des pratiques comme la sienne.

« Nous avons commencé à sentir que nous pouvions vaincre la mort et nous avons appris au cours des quinze ou trente dernières années que nous en étions incapables. Et nous avons commencé à voir que cela faisait partie de la vie. Auparavant, la mort était complètement isolée et on mourrait dans un endroit sombre à l’hôpital, c’était la façon de faire dans cette société. »

Des militants comme Sharon Carstairs soutiennent que les pressions sur le système seront dommageables si nous ne modifions pas notre façon d’offrir des soins de santé, et ce, sans tarder. « À l’heure actuelle, nous sommes en train de revenir en arrière, à moins que nous modifiions considérablement notre prestation de services. » Mme Carstairs a pris sa retraite du Sénat canadien après avoir passé dix-sept ans à militer pour qu’une attention plus grande soit accordée aux soins palliatifs. Elle affirme que nous devons réinventer le système de soins de santé pour éviter que les dettes s’accumulent à la suite de l’augmentation des coûts.

« Nous avons besoin d’un plus grand nombre de médecins, d’infirmières et de professionnels de la santé qui, en règle générale, ont reçu une formation en médecine palliative. Nous devons pousser plus loin la recherche et nous avons besoin de services à domicile », a-t-elle ajouté.

Les décès à l’hôpital constituent également une question d’argent, en raison du coût des lits occupés qui s’élève à environ mille dollars par jour à l’hôpital comparativement à la moitié du coût en centre de soins palliatifs. Les soins à domicile peuvent être plus ou moins onéreux selon le type de soins dont le patient a besoin.

Mme Carstairs soutient que nous devons regarder la réalité en face : tous les gens finissent par mourir. Il est donc est essentiel d’offrir aux patients plus d’endroits où ils se sentent confortables et sont entourés de leur famille à la fin de leur vie. Là où les soins ne se limitent pas à traiter la maladie, il devient plus facile de conclure par une fin heureuse l’histoire d’une vie.

Lindsay Jolivet est titulaire d’une maîtrise en journalisme de l’Université Carleton. Elle effectue un stage à EvidenceNetwork.ca. Ses œuvres ont été publiées dans le journal Montreal Gazette et diffusées à la station radiophonique CBC.

novembre 2012


This work is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.