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Une version de ce commentaire est parue dans La Presse

Les femmes sont plus malades, mais les hommes meurent plus jeunes.

Et personne ne semble remettre ce lieu commun en question. Qu’il y ait un écart entre les sexes dans l’espérance de vie semble être accepté sans même qu’on se questionne à ce sujet. Selon les données de Statistique Canada, l’espérance de vie moyenne des hommes est de 4,7 ans plus courte que celle des femmes. Alors, pourquoi cet écart?

On se questionne beaucoup pour savoir si la différence dans l’espérance de vie signifie que les femmes vivent plus longtemps, mais en moins bonne santé. Et l’idée que les hommes ont une vie plus courte a été acceptée comme un truisme, sans qu’on se l’explique.

Pour leur part, les chercheurs laissent croire que notre génétique ne joue qu’un petit rôle dans notre espérance de vie, le reste étant tributaire de nos modes de vie. Le tabagisme, l’excès de poids et l’inactivité raccourcissent en effet la durée de vie et la santé générale.

Selon les recherches menées par Joan Evans, Blye Frank, John Olliffe et David Gregory et citées dans Journal of Men’s Health, le genre « est l’un des facteurs socioculturels les plus importants qui influencent la santé et les comportements liés à la santé ».

De fait, selon la Fondation pour la santé des hommes au Canada, 65 pour cent des hommes de 30 à 64 ans sont en surpoids ou obèses, près de la moitié d’entre eux sont inactifs, 40 pour cent consomment de l’alcool en excès et un quart d’entre eux fument.

Les conséquences : les hommes courent 40 pour cent de plus de chances de mourir du cancer, sont à 70 pour cent plus à risque de mourir d’une maladie cardiaque et vivent en moyenne neuf ans de leur vie en très mauvaise santé. De plus, les hommes d’âge moyen sont également plus susceptibles de mourir par suicide que tout autre groupe d’âge.

Une partie de ces résultats s’explique par la façon dont on éduque les hommes. Plus souvent que les femmes, on leur montre à être endurcis et indépendants, on leur enseigne à être virils et à se taire. La recherche révèle qu’ils sont moins enclins que les femmes à consulter le médecin lorsqu’ils sont malades et participent moins activement aux résultats de leur santé.

Les Hommes en action (Men’s Sheds) et d’autres programmes similaires aident les hommes à surmonter certaines barrières qui les empêchent d’améliorer leur santé. Dirigés par leurs membres, ces groupes favorisent le rassemblement d’hommes pour la tenue d’activités telles que le travail du bois, la cuisine, la musique ou le sport à la télé.

Le concept a pris naissance en Australie, en 1995, et s’est répandu par la suite. On en retrouve maintenant en Nouvelle-Zélande, Irlande, Allemagne, Grèce, Finlande, aux États-Unis, au Québec et au Canada. Seulement en Australie, on en dénombre maintenant plus de neuf-cents et au total mille-cent-cinquante qui comptent des milliers de participants. Par leur impact, ils retiennent l’attention de nombreux chercheurs qui étudient leurs effets sur la santé masculine et leur bien-être en général.

Le premier groupe d’Hommes en action au Canada a ouvert ses portes à Winnipeg, en 2011. Dave Friesen et Doug Mackie ont envisagé ce projet, et ce dernier a parcouru le monde en organisant des groupes d’Hommes en action dans d’autres pays. Au Québec, on retrouve un programme d’Hommes en action à Montréal et un autre à Rivière-du-Loup.

Selon Doug Mackie, si vous voulez faire parler un homme, « asseyez-vous à ses côtés » et travaillez avec lui à un projet. Il a constaté que de nombreux hommes dans son quartier ont beaucoup de temps à leur disposition, surtout s’ils sont à la retraite, et qu’ils souffrent souvent de solitude, d’isolement et de dépression. La fin d’une carrière entraîne souvent une perte d’identité.

Les programmes d’Hommes en action leur redonnent leur identité et offre un réseau social qui brise l’isolement et favorise une meilleure santé. Cela permet également aux hommes de redonner à la société ce qu’ils ont reçu. Dans certains programmes, par exemple, ils construisent des tables de pique-nique pour les espaces communautaires.

Les chercheurs australiens Andrea Walding et Dave Fildes ont constaté que les programmes d’Hommes en action et d’autres programmes communautaires du genre contribuaient à améliorer la santé masculine et le bien-être général des hommes plus âgés. Ils aident également les hommes à développer leurs compétences et leurs réseaux sociaux et leur procurent un espace sûr.

Et plus important encore, ils ont découvert que ce type de programmes fonctionnent bien s’il n’y a pas de règle formelle sur leur fonctionnement et leur organisation. Ils doivent se développer de manière organique.

Doug Mackie abonde dans ce sens. À son avis, les Hommes en action doivent conserver leur indépendance au Canada pour répondre aux besoins locaux, sans que les règles soient dictées de manière hiérarchique. Selon lui, les besoins et les données démographiques varient d’une communauté à une autre, et une approche uniformisée pour de tels programmes ne pourrait pas convenir.

L’enthousiasme de Doug Mackie pour les Hommes en action est contagieux. Il a vu ce que ces programmes pouvaient apporter, et après qu’il eut démarré un tel groupe, un participant lui a dit qu’il n’avait plus besoin d’aide pour sa santé mentale depuis qu’il participait à ce programme.

C’est étonnant de voir que ça commence simplement par donner à un homme la possibilité de faire quelque chose et à d’autres hommes l’occasion de le rejoindre.

Cessons de croire que les hommes ont une vie plus courte et soutenons activement les personnes qui travaillent à créer des espaces sains pour les hommes qui prennent de l’âge. Les hommes ne devraient pas avoir à mourir plus tôt que les femmes.

 

Shannon Sampert est directrice d’EvidenceNetwork.ca et professeure agrégée au département de science politique de l’Université de Winnipeg.

s.sampert@uwinnipeg.ca Twitter: @paulysigh

Août 2017

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