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Des centaines de personnes ont fait la file récemment devant une nouvelle clinique près d’Ottawa dans l’espoir d’obtenir un médecin de famille.

Ces gens savent intrinsèquement ce que les recherches démontrent : les gens qui ont un médecin de famille restent en meilleure santé et obtiennent des soins médicaux plus appropriés. En outre, ils coûtent aussi moins cher au système de soins de santé, surtout parce que les médecins de famille aident à prévenir les hospitalisations.

Environ 4,5 millions de Canadiennes et de Canadiens n’ont pas de médecin de famille. Cet état de fait s’explique notamment par le fait que peu de médecins ont été formés dans les années 1990, qu’un plus grand nombre de médecins travaillent aujourd’hui à temps partiel, qu’un grand nombre de médecins prennent leur retraite et que moins de médecins font carrière en médecine familiale.

Au cours de la dernière décennie, certaines provinces ont entrepris des réformes ambitieuses et d’envergure qui leur donnent un nouvel élan. L’Ontario, le Québec et l’Alberta ont adopté en grande partie une réforme structurelle, comportant une façon différente de fournir les services, l’ouverture de cliniques de santé communautaires ou la formation d’équipes de médecine familiale composées d’autres professionnels de la santé comme des infirmières praticiennes, et l’offre aux médecins d’un salaire ou d’une autre forme de rémunération que le paiement traditionnel à l’acte. Nombre de ces changements visaient à inciter les médecins à quitter leur pratique indépendante ou en petit groupe pour se joindre à une équipe de professionnels de la santé et à modifier leur rémunération.

La Colombie-Britannique choisit une autre voie

La Colombie-Britannique a opté pour une autre voie en choisissant de se concentrer sur des réformes opérationnelles plutôt que structurelles. Pour ce faire, elle a établi un dialogue actif avec les médecins, les patients et les autres parties prenantes, avec pour objectif de mieux ajuster la rémunération des médecins selon la prestation de soins aux patients souffrant de maladies complexes et de soutenir les médecins de famille (aussi appelés « omnipraticiens » ou « médecins généralistes (MG) ») afin qu’ils et elles se sentent mieux équipés, tant des points de vue clinique que pratique, pour faire leur travail.

L’approche de la C.-B. repose sur la conviction que la relation médecin-patient — ce lien à long terme qui se forme au fil des ans — est l’élément clé qui favorise une meilleure santé chez les patients ainsi que des soins plus adéquats et rentables. Les fournisseurs de soins épisodiques ou spécialisés ne peuvent généralement pas offrir une relation de cette qualité.

Depuis 2002, un comité de médecins et de représentants du gouvernement appelé le General Practice Services Committee (GPSC) supervise la réforme des services de médecine familiale de la C.-B.  La relation entre les médecins et le gouvernement de la C.-B. a été auparavant marquée par plus de trois décennies de rancœur. Les deux parties se sont cependant réconciliées en misant non pas sur ce qui est mieux pour les médecins ou le gouvernement, mais ce qui est mieux pour les patients.

Les primes d’encouragement améliorent l’efficience et augmentent la capacité

Le GPSC a mis en place un ensemble de programmes dans le système de rémunération à l’acte de la province, qui est ouvert à tous les MG, qui peuvent choisir d’y participer ou non. Un vaste choix de primes d’encouragement est à présent offert pour la prise en charge de patients souffrant de diverses conditions chroniques ou qui ont des besoins de santé complexes. Ces primes encouragent les médecins à prendre des patients plus malades plutôt que de choisir eux-mêmes des patients en meilleure santé.

De généreuses primes pour les soins de maternité sont offertes pour encourager plus de médecins à faire des accouchements et d’importants incitatifs de recrutement visent à attirer les nouveaux médecins dans les régions mal desservies. De nouveaux honoraires pour les visites de groupe et les consultations par téléphone et par courriel avec les patients permettent aux médecins d’accroître leur capacité à traiter des patients et d’améliorer l’efficacité de leur cabinet.

La formation des médecins et de leur personnel améliore les soins et les temps d’attente

En plus des incitations financières, le GPSC, par l’intermédiaire de son Practice Support Program, soutient les médecins de famille en leur offrant des formations en conduite de clinique et en gestion de cabinet de médecin. Les médecins et les membres de leur personnel sont payés pour assister à une série de modules de formation portant sur des compétences dont les médecins reconnaissent avoir besoin.

Par exemple, dans un sondage effectué en 2008, les médecins de famille de la C.-B. ont affirmé que leur plus grand besoin de formation et de soutien était lié aux problèmes de santé mentale. Le Practice Support Program a lancé un module sur la santé mentale des adultes et fait appel à des MG « champions » pour enseigner les outils de dépistage, les évaluations diagnostiques, les options de traitement et la planification des soins à leurs collèges MG.

Les assistantes et assistants de bureau de médecin reçoivent des formations sur l’établissement des calendriers, la facturation et les relations interpersonnelles. Du  nombre de MG ayant suivi la formation en santé mentale, 94 pour cent ont affirmé avoir constaté ensuite une amélioration des soins aux patients. Une autre formation sur l’attribution plus efficace de rendez-vous aux patients a permis aux médecins de réduire grandement les temps d’attente et ainsi de voir les patients ayant un besoin urgent le jour même et de réduire de quatre ou cinq jours le délai pour les rendez-vous de routine.

Les réseaux coopératifs favorisent la mise en œuvre de solutions innovatrices

L’une des initiatives les plus uniques en C.-B. est la création des « Divisions of Family Practice ». Ces unités de médecine familiale sont des réseaux coopératifs locaux s’adressant aux médecins de famille qui travaillaient auparavant seuls. Ces réseaux augmentent l’influence des médecins sur la prestation de soins et les politiques dans leur milieu, et facilitent leur collaboration avec les autorités régionales de la santé pour remédier aux lacunes dans les soins aux patients.

On estime que 200 000 personnes en C.-B. n’auraient pas de médecin de famille et ces unités s’attaqueront entre autres à ce problème en mettant en œuvre des solutions, comme l’offre de primes aux médecins qui acceptent des patients qui n’ont pas de médecin de famille ou à un groupe de médecins qui embauche d’autres professionnels de la santé pour aider à répondre aux besoins des patients.

Le modèle de la C.-B. n’est pas sans faiblesses, mais il démontre à ce jour que la nouvelle collaboration entre le gouvernement et les médecins est essentielle au succès et mène à de meilleurs soins pour les patients et une plus grande satisfaction au travail chez les médecins de famille. Ces facteurs contribuent à leur tour à réduire le nombre d’hospitalisations et les coûts du système, tout en ne modifiant pas radicalement le système existant.

Dr Garey Mazowita est directeur du département de médecine familiale et communautaire au Providence Health Care à Vancouver, en C.-B., et membre du GPSC.

 

Marcus J. Hollander, Ph. D., est chercheur en services et politique de santé au Canada, et conseiller expert auprès d’EvidenceNetwork.ca, une ressource Internet complète et non partisane qui aide les journalistes couvrant les questions de politique de santé au Canada. Son cabinet effectue actuellement une évaluation complète des primes d’encouragement et des modules de formation pour le GPSC.

septembre 2011


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