Une version de ce commentaire est parue dans Le Huffington Post Quebec et La Presse

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THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld

Les Autochtones sont des Inuwak, des « peuples de la terre ». Nous avons une relation spirituelle avec notre Terre mère : notre nourriture provient de la terre et est liée à notre culture et notre spiritualité. Elle nous nourrit physiquement; elle a une incidence sur notre état d’esprit et est essentielle dans beaucoup de nos cérémonies spirituelles.

Malheureusement, des aspects importants ont été ébranlés ou compromis à bien des égards. La colonisation nous a privés de l’accès à la terre et à nos sources de nourriture traditionnelles. À certain égard, l’épisode des pensionnats autochtones nous a coupés de notre alimentation traditionnelle saine issue de la chasse, la pêche et la cueillette, pour une alimentation de moins bonne qualité.

Les repas servis dans les pensionnats étaient couramment inadéquats sur le plan de la qualité comme de la quantité, et souvent, les enfants avaient faim et souffraient de malnutrition. Moi-même pensionnaire, je me souviens avoir eu des biscuits pour chiens et de la nourriture impropre à la consommation humaine. On était bien loin des Règles alimentaires officielles en vigueur au Canada. La nourriture était utilisée contre les pensionnaires, entre autres pour les punir par la privation.

Cette mauvaise alimentation chez les enfants autochtones a commencé par la colonisation, s’est aggravée avec les pensionnats et se manifeste encore aujourd’hui. Nos recherches sur le système des pensionnats révèlent que tout comme la violence, l’alimentation de faible qualité est transmise par la famille. Une personne qui ne mange pas bien dans son enfance n’encouragera pas ses propres enfants à consommer des aliments nutritifs. C’est ainsi que se créent les habitudes.

Aujourd’hui, nos collectivités se heurtent à des défis supplémentaires. Par exemple, dans les communautés isolées, les aliments sains sont rares et coûteux, alors que ceux de faible valeur nutritive sont présents en grande quantité et font l’objet de beaucoup de promotion, ce qui est vrai dans toutes les collectivités du pays. Les magasins abondent en boissons gazeuses et autres produits sucrés ou riches en matières grasses, qui sont placés à la hauteur des yeux des enfants. Il n’est donc pas étonnant que ce soit la première chose que ceux-ci demandent.

Cela a des répercussions très néfastes sur nos collectivités, comme la proportion élevée d’habitants atteints de diabète de type 2, l’obésité infantile et d’autres complications pour la santé. Je me souviens d’un homme qui avait bien résumé la situation lors d’un rassemblement traditionnel : « Nous avons commencé à être malades le jour où nous avons commencé à chasser sur les étagères. »

Nous avons été entraînés dans cette vague par l’histoire, les habitudes, ainsi que l’accès aux aliments moins nutritifs et leur promotion.

Nos enseignements, cultures et modes de vie traditionnels sont riches et ont encore beaucoup à nous apprendre. Il est temps de réfléchir sur ces traditions et d’adopter une approche globale à l’avenir.

Nous devons réparer la chaîne de transmission des connaissances des parents aux enfants, qui a été endommagée, parfois rompue, à cause du système des pensionnats. Nous pouvons y arriver par la sensibilisation à l’alimentation et à la cuisine saines.

Toutes les collectivités devraient avoir accès à des aliments sains et abordables. Il faut faire des efforts particuliers pour nos collectivités éloignées, où le coût de la nourriture est élevé, parfois davantage pour les produits les plus nutritifs. Les écoles et les centres communautaires doivent éliminer les distributrices de boissons gazeuses et autres aliments moins nutritifs.

Les célébrités et les athlètes font la promotion de produits alimentaires depuis longtemps, et nous pouvons suivre cet exemple en demandant à nos propres personnalités autochtones de promouvoir de saines habitudes de vie auprès des enfants.

Des réglementations interdisant la publicité de boissons et aliments à faible valeur nutritive visant les enfants, comme le projet de loi S-228, qui est actuellement à l’étude à la Chambre des communes et devrait être adopté cette année, favorisera de meilleurs choix.

Le Guide alimentaire canadien est en processus de révision; il s’agit là d’une bonne occasion de consulter les leaders autochtones afin de s’assurer qu’il sera adapté à la culture et qu’il reflétera les enseignements des Autochtones.

Nous devons favoriser le bien-être et la prévention en prônant le changement sur tous les plans afin de nous assurer que nos enfants vivront longtemps et sainement. Jadis, nos chefs anticipaient ce qui allait arriver afin d’alerter et protéger les collectivités. Tous les chefs autochtones devraient suivre cet exemple.

 

Wilton Littlechild, LL. D. (hon.), LL. B., c.r. pour la Nation crie, grand chef, survivant des pensionnats indiens, avocat, ancien commissaire de la Commission de vérité et réconciliation, et expert-conseil pour le site evidencenetwork.ca.


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