La majorité des décès et des blessures résultant de catastrophes naturelles touchent des personnes âgées
Une population vieillissante combinée à une augmentation des catastrophes naturelles a des conséquences mortelles pour les aînés.
Les autorités sanitaires du Québec estiment que 70 personnes sont décédées à la suite de la récente canicule, avec un humidex de plus de 40. La plupart des décès liés à la chaleur à Montréal concernaient des personnes âgées atteintes d’affections chroniques.
Et qui peut oublier les images virales de l’an dernier de personnes âgées dans les maisons de retraite inondées au Texas? Ou des gens qui fuient les feux de forêt de Fort McMurray il y a deux ans? Malheureusement, il y a eu récemment beaucoup de catastrophes qui ont eu un bilan tragique.
Les recherches effectuées après l’ouragan Katrina, l’ouragan Sandy et la vague de chaleur européenne de 2003 montrent que la majorité des décès et des blessures résultant de catastrophes naturelles impliquent des personnes âgées. Cela est particulièrement inquiétant, car la population vieillit. Un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans dans 20 ans.
Pourquoi les aînés sont-ils les plus à risque?
Les personnes âgées vivant dans leur maison sont plus susceptibles de subir des blessures durant une catastrophe en raison de leur fragilité physique, de leur handicap et de leur isolement social. Elles ont souvent des besoins qui les rendent plus vulnérables et elles sont moins aptes à faire face aux défis physiques et mentaux qui se posent en cas de catastrophes.
Elles peuvent être incapables de marcher, de monter des escaliers ou de prendre des décisions sans l’aide d’autres personnes. Leur vision et leur ouïe peuvent être altérées. Elles peuvent avoir besoin d’oxygène ou de médicaments pour survivre. Ou encore, avoir tous ces problèmes à la fois. Lorsque les personnes âgées vivent seules ou que leurs aides-soignants sont débordés, leur risque de mourir ou d’être hospitalisé est encore plus grand.
La plupart des Canadiens souhaitent rester dans leur demeure en vieillissant. De plus, le financement gouvernemental des soins à domicile contribue à garder plus longtemps à la maison les personnes âgées ayant des besoins complexes. C’est une bonne nouvelle, mais il ne faut pas oublier de veiller à leur apporter toute l’aide dont ils ont besoin en cas de catastrophe.
Vous croyez peut-être que des solutions sont en place pour localiser et aider les personnes vulnérables pendant des catastrophes. Or, ce n’est que partiellement le cas.
Certains organismes et quelques administrations locales tiennent des registres pour aider les premiers intervenants, mais ces systèmes volontaires dépendent de la bonne volonté des personnes vulnérables pour leur inscription au registre. Dans la réalité, la plupart des gens ne s’enregistrent pas, et ces registres deviennent rapidement obsolètes; ils ne sont conçus sur aucune base rigoureuse. En fait, ils sont généralement peu utiles lorsque surviennent de véritables catastrophes.
Quelle serait donc la solution?
Heureusement, une partie du travail est déjà faite. De nombreux Canadiens âgés en état de fragilité et vivant à la maison bénéficient déjà d’une aide financée par le gouvernement pour les soins à domicile. Le cas échéant, un coordonnateur de soins aura sûrement fait une évaluation pour comprendre le type d’aide dont la personne a besoin.
L’évaluation permet par exemple de déterminer si la personne âgée a besoin d’aide pour prendre ses médicaments, si elle utilise un fauteuil roulant, si elle est seule la plupart du temps ou si elle a de la difficulté à se souvenir des choses. Comme ces évaluations sont régulièrement mises à jour, les informations le restent également.
C’est la même information dont on a besoin en cas d’urgence. On peut ainsi savoir qui a besoin d’aide, l’endroit où vivent les personnes dans le besoin et la sorte d’aide dont elles ont besoin quand surviennent des tempêtes, des inondations ou des incendies.
Une partie du travail est déjà commencée pour systématiser ces données et en tenir compte en cas d’urgence. Nous avons dirigé une équipe internationale de chercheurs et d’organismes partenaires afin de créer et de mettre en œuvre l’algorithme interRAI pour les personnes vulnérables à risque (VPR) en utilisant des données d’évaluation des soins à domicile régulièrement recueillies. Et il a fait ses preuves.
Pendant le tremblement de terre de 2011 à Christchurch, les organismes gouvernementaux et les premiers intervenants ont utilisé une première version de l’algorithme pour coordonner leur réponse à la catastrophe. Depuis ce temps, des chercheurs néo-zélandais et canadiens ont collaboré pour améliorer l’algorithme afin qu’il puisse être utilisé partout où ces évaluations ont été mises en œuvre dans le monde.
La plupart des régions du Canada ont déjà fait le gros du travail pour mettre en place le système interRAI. Huit provinces et territoires utilisent maintenant un système commun d’évaluation des soins à domicile. L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) a intégré le VPR dans ses normes nationales sur les systèmes logiciels de soins à domicile. Et la région de Waterloo est la première au Canada à mettre en œuvre le RPV comme outil de gestion des catastrophes pour les personnes vulnérables.
Ce qu’il reste à faire
Maintenant, les gouvernements, les organismes de soins à domicile et les premiers intervenants doivent travailler ensemble pour être prêts à utiliser le RPV à la prochaine catastrophe. Cela pourrait être une question de vie ou de mort.
Les personnes âgées ne doivent pas être laissées à elles-mêmes dans une situation de désastre, et ce simple algorithme résout une bonne partie de la question.
John Hirdes est professeur à l’école de santé publique et des systèmes de santé de l’Université de Waterloo, chercheur auprès du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées, chercheur canadien principal et membre du conseil d’interRAI, un consortium international de chercheurs en provenance de plus de 35 pays.
Sandy van Solm, Ph. D., est coordonnatrice de la gestion des urgences de la région de Waterloo. Elle a terminé son doctorat sur le interRAI VPR à l’Université de Waterloo. Tous deux agissent comme conseillers experts auprès d’EvidenceNetwork.ca, attaché à l’Université de Winnipeg.
Septembre 2018
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