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Une version de ce commentaire est parue dans Universités Canada et Huffington Post Quebec

Le 150e anniversaire du Canada étant dorénavant dans le rétroviseur, nous devons nous tourner vers l’avenir. Notre gouvernement actuel a beaucoup insisté sur une « économie de l’innovation » si l’on en juge aux discours émanant de divers ministères. Alors, comment y parvenir?

Étudions les données probantes du gouvernement et nous y trouvons une partie de la réponse : investir dans la recherche.

Comme beaucoup, nous avons été encouragés par la publication, en avril dernier, du rapport final du Comité consultatif sur l’examen du soutien fédéral à la science fondamentale, commandé par le ministre fédéral des Sciences il y a plus d’un an. Le rapport témoigne clairement du recul de la position du Canada à l’échelle internationale en matière de recherches au cours de la dernière décennie et révèle que la production de publications de recherche au Canada a diminué par rapport à ses pairs mondiaux, faisant ainsi passer le pays du septième au neuvième rang entre 2000 et 2014. Le taux d’augmentation des publications de recherche au Canada a pris le 15e rang, ce qui confirme un retard par rapport à nos pairs.

Par habitant, notre production de publications de recherche est actuellement en retard par rapport à des pays plus petits comme les Pays-Bas, l’Australie, la Suède et la Suisse.

Comment en sommes-nous arrivés là?

La « politisation de la recherche », qui oriente le financement en fonction des priorités perçues au détriment de la recherche menée par des chercheurs indépendants, explique en grande partie ce recul. Le rapport précise en outre que l’écosystème de recherche du Canada manque de cohésion, et on y déplore une absence de supervision et d’évaluation ordonnées. De plus, les bourses pour les nouveaux chercheurs exceptionnels n’ont pas changé depuis les dix-sept dernières années.

On estime qu’il y a eu une baisse relative d’environ 35 pour cent des ressources réelles accordées aux chercheurs individuels au cours des quatre dernières années.

Après la publication du rapport, l’Académie canadienne des sciences de la santé (ACSS) a sondé l’ensemble de ses membres des sciences biomédicales et cliniques fondamentales aux sciences sociales et aux sciences de la santé de la population. On a constaté que la plupart confirment les conclusions du rapport et démontrent un intérêt particulier pour un soutien accru pour les jeunes stagiaires et chercheurs.

Les membres de l’ACSS ont également soulevé la nécessité d’une surveillance rigoureuse et d’un système amélioré d’examen par les pairs pour atteindre de meilleurs résultats en matière d’équité et de diversité lors de l’affectation du financement pour la recherche.

Enfin, il y a eu un constat généralisé du besoin d’accroître les investissements dans la recherche. On a en outre applaudi la recommandation du rapport visant une augmentation de 485 millions de dollars par année en financement de la recherche, échelonnée sur quatre ans (soit une augmentation d’environ 30 % de l’enveloppe).

Quelle serait donc la prochaine étape à partir de maintenant? Comment faire du Canada un contexte solide pour la recherche fondamentale dans le but de créer une économie fondée sur le savoir innovant?

En premier lieu, il faut assurer une coordination, un équilibre et une harmonisation entre les quatre organismes subventionnaires existants (Instituts de recherche en santé du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, Conseil de recherches en sciences humaines et Fondation canadienne pour l’innovation). La création d’un conseil consultatif et la nomination d’un conseiller scientifique en chef pourraient permettre cette cohésion.

On pourrait ainsi établir des normes cohérentes et transparentes en matière de gouvernance et de collaboration entre les institutions de différentes disciplines scientifiques. Une approche concertée à l’égard des pratiques d’examen par les pairs et une stratégie appropriée pour trouver l’équilibre entre les besoins et la formation de chercheurs à divers stades de leur carrière compterait également parmi les résultats positifs souhaités.

En deuxième lieu, le retour à un rapport de financement de 70:30 au profit de la recherche indépendante est la clé du succès à long terme. La nature fortuite de la recherche et la longue période de latence entre la découverte et l’application de résultats pour la santé humaine sont des caractéristiques inhérentes bien documentées.

Enfin, notre communauté scientifique vieillit. Le rapport insiste sur la nécessité de miser sur les jeunes chercheurs en formation et les chercheurs qui sont en début de carrière, et cela devrait être au cœur de l’ordre du jour du gouvernement. Recruter les meilleurs et les plus brillants esprits, tout en favorisant une collaboration à l’échelle internationale, enrichira le monde de la recherche au Canada.

Dans le contexte mondial actuel, la création d’un milieu attrayant au Canada pour les étudiants et scientifiques étrangers, que ce soit pour la poursuite des études ou d’une carrière florissante, est essentielle pour grossir notre communauté de recherche. De même, il importe de créer de solides liens internationaux et d’importantes collaborations, car la science ne connaît pas de frontière.

En bref, le rapport du gouvernement vise juste. Or, pour que les recommandations portent fruit pour le Canada, c’est-à-dire créer l’économie innovatrice du futur, nous devons les appliquer maintenant. Il faut prévoir une augmentation du financement sur quatre ans, et ce, dès 2018. Aussi, pour veiller à ce que le gouvernement rentabilise ses investissements dans la recherche, il y aurait lieu de mettre en œuvre le cadre d’évaluation de l’ACSS qui favorise la responsabilisation pour les bailleurs de fonds pour la recherche en santé.

Le gouvernement a un bon plan et il doit maintenant passer à l’action.

Les recommandations pressantes du rapport sont à même de transformer la capacité du Canada à concurrencer sur le plan mondial et à contribuer de manière significative à la santé, à la prospérité et au bien-être des générations actuelles et futures au pays. Alors, qu’attendons-nous? 

 

Paul Armstrong est conseiller expert auprès d’EvidenceNetwork.ca, professeur émérite à l’Université de l’Alberta et directeur fondateur du Canadian VIGOUR Centre, un centre de recherche de l’Université de l’Alberta consacré à l’amélioration de la santé cardiovasculaire. Il a été le président fondateur de l’Académie canadienne des sciences de la santé.

Carol Herbert est professeure émérite à la Faculté de médecine et de médecine dentaire Schulich à l’Université Western, professeure auxiliaire à l’École de santé de la population et de santé publique de l’Université de la Colombie-Britannique et actuelle présidente de l’Académie canadienne des sciences de la santé.

Septembre 2017

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