La vérité sur les examens médicaux pour le cœur

« La surveillance de la santé vasculaire permet de détecter les lésions aux artères avant que survienne une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral » peut-on lire dans la brochure publicitaire.

Ne serait-ce pas formidable si on avait accès à un type quelconque d’examen d’imagerie du cœur et des vaisseaux sanguins qui pourrait éviter un décès prématuré? En tant qu’organe le plus important du corps, le cœur retient beaucoup l’attention du milieu médical et c’est pourquoi la détection précoce d’une maladie du cœur, avant qu’elle ne frappe, semble si attrayante.

Heureusement, les personnes qui ne montrent pas encore de signes de cardiopathie peuvent avoir accès à un maximum de technologies en matière d’imagerie du cœur et des vaisseaux sanguins.

Pour la somme de 690 $, le Canada Diagnostic Centre, à Vancouver, procédera à un examen d’imagerie cardiaque de haute technologie, et des services similaires sont offerts dans la plupart des grandes villes canadiennes. L’objectif d’un tel examen consiste à déceler une « accumulation de plaque calcifiée dans les artères coronaires ». Apparemment, on peut avoir un tel diagnostic et se sentir bien, et même obtenir de bons résultats à l’épreuve d’effort normale et ne montrer aucun signe de maladie; bien que la plaque, dit-on, soit liée au « risque de développer une maladie coronarienne ».

Sur le site Web de l’entreprise, on mentionne qu’un examen d’imagerie cardiaque (appelé aussi score calcique coronaire) serait indiqué pour les hommes de 40 ans et plus ou les femmes de 50 ans et plus, et peut aider à « avoir une vue d’ensemble de la santé cardiaque ».

Par les temps qui courent, plusieurs d’entre nous aimeraient qu’une telle vue d’ensemble les rassure, mais en même temps, qu’en disent les experts? Malheureusement, ils ne sont pas fixés. Le score calcique coronaire n’a pas encore été suffisamment étudié. Il en va de même pour plusieurs autres types d’examens d’imagerie cardiaque qui sont offerts dans ce genre de cliniques privées.

« Les inconvénients l’emportent sur les avantages » : groupe de travail américain

La consultation des recommandations du Preventative Services Task Force des États-Unis (USPSTF), que plusieurs considèrent comme la bible des données scientifiques sur le dépistage, réserve quelques surprises. En fait, l’USPSTF déconseille de procéder, chez les personnes en santé, au score calcique coronaire et à trois autres types de dépistage des maladies du cœur, notamment l’électrocardiographie, l’épreuve d’effort sur tapis roulant et la tomodensimétrie à faisceau d’électrons. Selon l’USPSTF, tous ces examens ne devraient pas être effectués systématiquement parce que « les inconvénients l’emportent sur les avantages ».

Cette recommandation va à l’encontre de ce que la plupart d’entre nous croient : à savoir qu’il vaut mieux « faire passer des examens tôt et souvent » afin de prévenir un décès prématuré attribuable à une maladie que l’on pourrait éviter. Au contraire, des travaux de recherche récents ont montré que même si un examen d’imagerie révèle quelque chose de suspect, le fait de le découvrir précocement n’améliorera pas la santé. Une étude publiée en mai 2011 dans Archives of Internal Medicine rapporte que les personnes qui ont eu des examens d’imagerie cardiaque finissent par prendre plus de médicaments et par subir un plus grand nombre d’interventions chirurgicales, sans vivre plus longtemps, comparativement à ceux qui se sont soumis aux examens de dépistage conventionnels.

Des examens « excessifs et inutiles » pour les patients en santé

Le Dr John McEvoy est chercheur au Johns Hopkins Ciccarone Center for the Prevention of Heart Disease à Baltimore et l’auteur de l’étude de dépistage publiée dans Archives. Bien que les examens pour le cœur puissent s’avérer utiles dans la bonne situation (par exemple, lorsqu’une personne présente des douleurs thoraciques ou d’autres symptômes de cardiopathie), le Dr Evans indique que les données scientifiques ne tendent pas à confirmer l’utilité des examens de dépistage chez les personnes en santé.

Dans son étude, environ 20 % de ces patients ayant passé des examens d’imagerie ont été informés qu’ils avaient une accumulation de cholestérol dans leurs artères (appelée aussi athérosclérose) et ont fini par prendre beaucoup plus de médicaments (aspirine et hypocholestérolémiants), se soumettre à plus d’examens et subir davantage d’importantes chirurgies cardiaques. De plus, les patients qui avaient passé un examen d’imagerie cardiaque ont été plus souvent aiguillés vers d’autres d’examens et ont subi un plus grand nombre de pontages et d’implantations d’endoprothèse vasculaire. Toutefois, ils n’étaient pas en meilleure santé après un an et demi d’observation.

Bien qu’il soit conscient que cela peut prendre plus de 18 mois avant qu’on soit en mesure de constater les effets, il souligne que l’exposition aux rayonnements et au produit de contraste peut être dangereuse. Une trop grande radioexposition peut causer le cancer et l’iode, utilisé comme agent contrastant lors des examens, peut provoquer, dans certains cas, une insuffisance rénale.

Même si les experts en la matière jugent que les examens préventifs d’imagerie cardiaque sont « excessifs et inutiles », cela n’empêche pas les médecins ou les cliniques privées d’offrir ces services.

Alors que peut faire un patient? Il ne fait aucun doute que la maxime « mieux vaut prévenir que guérir » repose sur une conviction profonde et peut inciter plusieurs d’entre nous à subir des examens de dépistage des maladies du cœur. Toutefois, la recherche envoie un message contraire qui pourrait se résumer ainsi : « du calme! ».

Si on souhaite vraiment faire quelque chose pour prévenir les maladies du cœur, au lieu de dépenser des centaines de dollars pour un examen d’imagerie cardiaque de haute technologie, on devrait essayer quelque chose de très radical. Pourquoi ne pas suivre les sempiternels conseils sur le mode de vie que prodiguent la plupart des médecins : cesser de fumer, faire régulièrement de l’exercice, réduire la quantité de matières grasses et de sel, consommer de l’alcool avec modération et gérer son stress.

Voilà, je viens de vous faire économiser 690 $ et peut-être de vous épargner une montagne d’inquiétudes inutiles.

Alan Cassels est chercheur en politique sur les médicaments à l’Université de Victoria et expert-conseil à EvidenceNetwork.ca, une source d’information exhaustive et non partisane qui vise à aider les journalistes à couvrir les questions relatives aux politiques en matière de santé au Canada. 

avril 2012


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