Une version de ce commentaire est parue dans

View in English

THE CANADIAN PRESS/Darryl Dyck

Près de la moitié des Canadiens de 65 ans et plus souffrent d’arthrose du genou. L’arthrose est la forme d’arthrite la plus répandue. Elle se manifeste quand le cartilage qui protège l’extrémité des os devient trop usé, ce qui provoque de la douleur et de la raideur et limite la mobilité. Elle affecte souvent la hanche et le genou et peut être assez douloureuse.

Par le passé, il était courant d’envoyer les personnes âgées souffrant d’arthrose du genou subir une arthroscopie chez le chirurgien orthopédiste (notre métier) dans le but ultérieur d’améliorer leur mobilité et de traiter leur douleur articulaire.

Comme chirurgiens orthopédistes, nous voulons nous assurer que nos interventions chirurgicales sont très bénéfiques pour les patients et qu’elles ne leur font pas plus de mal que de bien. Malheureusement, ce n’est souvent pas le cas avec l’arthroscopie du genou chez les arthritiques âgés.

Dans les cas d’arthrite soupçonnée, l’arthroscopie du genou consiste à faire quelques petites incisions par lesquelles on insère une caméra miniature et des instruments pour examiner l’articulation, dégager les fragments de cartilage et laver l’articulation.

On dispose de plus en plus de données de recherche qui montrent que cette intervention serait inutile chez la plupart des personnes âgées puisqu’elle donnerait généralement les mêmes résultats à long terme qu’un traitement non chirurgical moins effractif.

Parmi les solutions de rechange, on compte la perte de poids, la physiothérapie, l’exercice, l’utilisation de médicaments en vente libre (p. ex. Tylenol) ou d’anti-inflammatoires, et les injections intra-articulaires d’analgésiques. Par ailleurs, l’arthroscopie du genou requiert habituellement une anesthésie rachidienne ou générale; elle n’est pas inoffensive puisqu’il y a toujours un risque d’infection ou d’atteinte à la structure de l’articulation.

Cela signifie-t-il qu’il faut proscrire toute arthroscopie? Non.

L’arthroscopie doit plutôt être réservée aux bons diagnostics et aux bons patients. Par exemple, la réparation du ménisque chez un jeune blessé au genou peut améliorer la fonction de l’articulation, traiter la douleur et lui redonner de la mobilité.

Qu’est-ce qui est en jeu ici?

Les chirurgies non nécessaires nous mobilisent comme chirurgiens et utilisent les ressources du système de santé, comme les salles d’opération et le personnel, pour n’offrir en fin de compte que très peu de valeur ajoutée aux patients canadiens. Ces ressources pourraient servir à réaliser d’autres interventions orthopédiques qui soulagent la douleur et améliorent la fonction des structures touchées et pour lesquelles les listes d’attente sont longues, comme les chirurgies de la colonne vertébrale et la pose de prothèses de la hanche ou du genou.

Plus souvent qu’autrement, l’arthroscopie est un mauvais choix pour les patients âgés qui souffrent d’arthrose.

Dans notre travail, nous conseillons les patients au sujet des solutions de rechange à la chirurgie et réfléchissons à nos habitudes. En outre, nous sensibilisons énormément nos collègues et nos patients à la campagne Choisir avec soin. Récemment, l’Association canadienne d’orthopédie, la Société canadienne d’arthroplastie et l’Arthroscopy Association of Canada se sont unies pour produire une série de recommandations sur les pratiques optimales.

La première recommandation déconseille l’arthroscopie pour le traitement et la prise en charge primaires de l’arthrose du genou.

Il est maintenant reconnu que les médecins ont tendance à surestimer les bienfaits de leurs interventions et qu’ils en sous-estiment souvent les risques. Selon une étude récente, les patients entretiennent les mêmes idées fausses au sujet des avantages et inconvénients des interventions courantes.

Les chirurgiens, les patients et le grand public doivent modifier leurs attentes à l’endroit du traitement de l’arthrose du genou. Dire non à l’arthroscopie pour adopter une approche non chirurgicale est un défi, autant pour les médecins que pour les patients.

L’utilisation judicieuse des ressources de notre système de santé en fonction des données probantes contribuera à offrir des soins appropriés à tous les Canadiens.

 

Le Dr Eric Bohm est professeur à l’Université du Manitoba et chirurgien orthopédiste pour le Concordia Joint Replacement Group, à Winnipeg, au Manitoba. Il est aussi collaborateur pour EvidenceNetwork.ca, un réseau basé à l’Université de Winnipeg.

Le Dr Ivan Wong est professeur agrégé à l’Université Dalhousie et chirurgien orthopédiste au Centre des sciences de la santé QEII de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il est aussi président de l’Arthroscopy Association of Canada.


This work is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License.