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Une nouvelle étude sur l’autisme semble être publiée chaque semaine, et trop souvent, on retrouve des erreurs ou d’importantes lacunes dans la couverture médiatique. Nous sommes toutes deux, mères de fils autiste et travaillons dans le domaine de la santé publique; c’est pourquoi nous croyons qu’il est important de partager quelques points essentiels qu’un journaliste devrait considérer lorsqu’il couvre ce sujet.

1.     L’autisme n’est pas une maladie mentale, un problème de santé mentale ou un trouble d’apprentissage.

L’autisme est un trouble de neurodéveloppement qui se caractérise notamment par : une difficulté à communiquer verbalement et à interagir socialement; des comportements rigides, restrictifs et répétitifs; un développement intellectuel inégal; une sensibilité aux stimuli sensoriels; des problèmes de motricité fine et globale et des troubles gastro-intestinaux.

Il est plus juste d’employer l’expression « trouble du spectre de l’autisme » (TSA), puisque ces caractéristiques se manifestent différemment selon les individus et de façon plus ou moins prononcée. D’ailleurs, il n’est pas rare d’entendre l’expression « connaître une personne autiste, c’est connaître une personne autiste ».

Il n’y a pas de remède pour l’autisme, mais il existe plusieurs interventions éprouvées susceptibles d’aider les personnes touchées à surmonter les difficultés qui l’accompagnent.

2.     On ne connaît pas avec exactitude le taux de prévalence de l’autisme au Canada, mais on dispose d’estimations récentes

Les médias canadiens citent souvent des chiffres qui proviennent des États-Unis. Selon les recherches menées par le U.S. Autism and Developmental Disabilities Monitoring (ADDM) Network du Centre for Disease Control and Prevention, le TSA toucherait un enfant sur 68 chez nos voisins. Étant donné que l’autisme est sept fois plus courant chez les garçons que chez les filles, sa prévalence équivaudrait donc dans ce pays à un garçon sur 42 et à une fille sur 189.

Quels sont les taux de prévalence au Canada? Et sont-ils en augmentation?

« Notre estimation la plus plausible pour le moment, c’est que le TSA touche un individu sur 94 chez les enfants âgés de six à neuf ans », rapporte Hélène Ouellette-Kuntz, professeure au département des sciences de la santé à l’Université Queen’s, qui gère une base de données épidémiologiques nationale sur l’étude de l’autisme au Canada (NEDSAC). Ce chiffre se fonde sur l’information et les données diagnostiques recueillies de 2003 à 2010 auprès des services de santé à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard et dans le sud-est de l’Ontario.

De nombreux experts se disent préoccupés par le fait que le taux d’autisme peu élevé rapporté au Canada pourrait être attribuable, comme le soupçonne Stuart Shanker de l’Université York, « au faible nombre de services en matière d’autisme offerts dans les quatre régions où la NEDSAC a pu mener son enquête. » On s’attend à ce que des chiffres plus exhaustifs soient dévoilés au courant de l’année provenant de la base des données administratives recueillies au Manitoba.

Ce que nous savons pour l’instant, grâce aux documents publiés dans le cadre de l’étude NEDSAC, c’est que le taux d’autisme augmente au Canada, mais qu’il varie largement d’une région à l’autre. Même lorsqu’on tient compte de l’augmentation attribuable aux cas non dépistés auparavant ou aux substitutions de diagnostic (concernant des cas qui avaient reçu un diagnostic autre que l’autisme), « on ne peut pas écarter la possibilité d’une augmentation effective de l’incidence », indique Hélène Ouellete-Kuntz.

3.     Les familles doivent souvent attendre pendant des années avant de pouvoir accéder à des services spécialisés couverts par le régime public. L’aide gouvernementale en matière d’autisme varie grandement d’une province à l’autre.

Dans la plupart des réseaux de santé provinciaux, il n’est pas rare de devoir patienter pendant plusieurs années avant qu’un enfant ne reçoive un diagnostic d’autisme. De plus, les familles doivent attendre de plusieurs mois à quelques années avant de pouvoir bénéficier d’interventions dont l’efficacité est démontrée, comme la thérapie comportementale, l’orthophonie et l’ergothérapie. Enfin, ces services ne sont offerts que pendant une période limitée et, bien souvent, plus tard que la fenêtre jugée optimale par la plupart des experts.

Les fortes disparités observées entre les provinces auraient même engendré un phénomène de « migration pour des raisons médicales ». En effet, certaines familles ont rapporté avoir quitté leur région d’origine (la plupart du temps les Maritimes, l’Ontario ou le Québec) pour s’établir en Alberta ou en Colombie-Britannique, qui se démarquent par l’accessibilité et la souplesse des services offerts. Par ailleurs, il n’est plus rare de voir des familles canadiennes recourir à des campagnes de sociofinancement pour pouvoir se payer des services et des thérapies spécialisés. Un grand nombre d’associations et de familles réclament depuis un certain temps une stratégie nationale sur l’autisme qui permettrait de combler les lacunes de la couverture offerte par les régimes de santé publics.

4.     Quels termes faut-il employer?

Les mots qu’on utilise ont un certain poids, surtout lorsqu’il s’agit de désigner des individus. Doit-on dire qu’une personne est « autiste », qu’elle « souffre d’autisme » ou qu’elle est « atteinte d’un trouble du spectre autistique »? Dans une certaine mesure, l’évolution du vocabulaire reflète aussi celle des connaissances sur l’autisme, notamment en ce qui concerne son diagnostic.

Ainsi, l’appellation « trouble du spectre de l’autisme » (TSA) (ou « trouble du spectre autistique ») a vu le jour ces dernières années. Son choix vise à refléter à la fois la diversité des manifestations du phénomène et le fait qu’elles se situent sur un continuum.

Toutefois, certains déconseillent l’usage de tout terme associé au monde médical, comme les expressions « trouble », « maladie » « pathologie », « atteint d’autisme », « souffrant d’autisme », auxquelles on peut attribuer une connotation péjorative. Pour désigner la personne touchée, ils préconisent entre autres l’emploi du substantif « autiste » et de l’adjectif « autiste » (« personne autiste », « enfant autiste »), qu’ils jugent plus respectueux. Certains autistes considèrent même que leur identité est indissociable du phénomène.

Par ailleurs, on relève l’émergence d’un mouvement à qui l’on doit l’invention de nouvelles notions telles que « neurodiversité », « neurotypique » et « neurodifférent », qui ont l’avantage de renverser la perspective en présentant les choses du point de vue des personnes autistes. Les trois termes se rapportent au fonctionnement cognitif : le premier fait allusion à la diversité des modes de cognition; le deuxième, au mode considéré comme le plus répandu; et le troisième, aux modes qui ne correspondent pas à la norme.

Dans la mesure du possible, il est indiqué d’utiliser le terme privilégié par les principaux intéressés, c’est-à-dire la personne elle-même ou ses proches. Et si on peut désigner celle‑ci par son nom, c’est encore mieux!

Kathleen O’Grady est associée de recherche à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia et rédactrice en chef du site EvidenceNetwork.ca. Elle est mère de deux jeunes garçons, dont l’un est autiste. On peut la suivre sur Twitter : @kathleenogrady.

Anne Jovanovic est politicologue. Elle est mère d’un beau-fils et d’un fils; le premier a reçu un diagnostic d’autisme. On peut la suivre sur Twitter :@ajrahming.

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